GLOCAL

Gare au fouet en peau d’hippopotame

L’UDC multiplie au cœur de l’été les attaques contre l’Union européenne. Que personne ne se presse de vouloir défendre, comme si cela n’avait aucune importance.

Albert Rösti est aux fourneaux. Sous la houlette de son nouveau président, et celle de son insubmersible vieillard Blocher, l’UDC a le mois d’août gourmand et croquant. Des pleines pages de pub dans les journaux, des réunions publiques, avec cette fois une cible unique, un seul plat, sans entrée ni dessert et toujours la même sauce: l’Union européenne, autrement dit le diable. Comme si nous étions maltraités jusqu’au sang par notre seul et très grand voisin. Comme si notre principal partenaire économique s’apparentait à une structure infamante digne de l’Union soviétique ou du Troisième Reich.

Haro sur les juges étrangers, et sur une tout aussi fantomatique et fantasmée «adhésion insidieuse» prétendument à l’œuvre. Avec en point d’orgue le 12 août et le dépôt de l’initiative «Pour l’autodétermination» qui réclame la prédominance des règles constitutionnelles suisses sur le droit international.

Avec encore, au bout du fusil, l’accord cadre sur les questions institutionnelles en négociation depuis des lustres et qui équivaudrait selon l’UDC à une reprise automatique du droit européen. De quoi, selon le péremptoire Rösti, reléguer la Suisse au rang de «colonie de l’Union européenne».

Rien que ça. On en serait presque à imaginer des commissaires européens déferlant dans nos campagnes, casque colonial sur la tête, et appliquant la sanction de la chicote, le fouet en peau d’hippopotame qui servait jadis, au cœur de l’Afrique noire, à mettre au pas les autochtones récalcitrants.

Bref, ce qui s’appelle maitriser l’agenda politique quand il n’y a plus d’agenda, c’est à dire au cœur de l’été. Histoire d’arriver à la rentrée avec quelques longueurs d’avance, centristes et socialistes étant contraints comme d’habitude de courir derrière les grandes gueules nationalistes, de répondre aux saillies populistes, de ne plus manier que des thèmes pensés et voulus par l’UDC.

Pendant ce temps, le PDC par son conseiller national valaisan Yannick Buttet, en est à ferrailler contre la viande halal qui se dissimulerait désormais partout et concurrencerait la «vraie» viande grâce aux exceptions et facilités d’importation voulues par le Conseil fédéral au nom d’une douteuse liberté de croyance, étrangement invoquée ici. Et qui finit par semer la confusion et l’iniquité au sein d’une branche jusqu’alors plutôt sereine: la boucherie. On en arrive à cette absurdité: que la foi détermine le prix du foie. Révoltant certes mais tout de même bien anecdotique.

Inutile de compter non plus sur les extrémistes d’en face pour faire contrepoids à l’UDC. La nouvelle présidente des Jeunesses socialistes, Tamara Funiciello annonce modestement préférer «changer le monde plutôt que devenir un jour conseillère fédérale». Prône la très réaliste semaine de 25 heures et qualifie de «Erdogan» tout ceux qui sont pour la nouvelle loi sur le renseignement — ce qui fait du monde, de gauche à droite en passant par le milieu.

La jeunesse militante ne semble ainsi plus redouter qu’une chose. Non point le terrorisme islamique, non point le chômage, non point la perte du lien de confiance avec nos voisins européens. Mais bien plus terribles, bien plus ravageurs, bien plus meurtriers, bien plus significatifs: les logiciels espions, ben voyons.

Il est donc à craindre que la rentrée politique se fasse sous le signe d’une UDC n’ayant plus face à elle que des coupeurs de quartiers halal en quatre et des rêveurs prépubères. Personne en tout cas qui opposerait aux Rösti et autres vendeurs de salades nationalistes une vision moins caricaturale de la Suisse post-Brexit.