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Les rois du yogourt

Comme souvent lors des votations de ce type, se prononcer sur l’initiative «économie verte» revient à devoir choisir entre pauvreté et culpabilité. En sachant d’avance qui va l’emporter.

Enfin. Enfin l’on sait ce qu’est un bon Suisse. Le Temps nous l’apprend à propos de l’initiative écologiste «économie verte». Un bon Suisse, c’est celui qui «lorsqu’il termine son yogourt tire la languette verticale qui sépare l’emballage en carton détachable du gobelet en plastique, les jette tous deux dans des poubelles distinctes, puis place l’opercule en aluminium dans un troisième récipient».

Encore faut-il manger des yogourts. Refuser cette nourriture qui, diront les récalcitrants, tient tout de même peu au ventre, c’est déjà mettre en péril son label de suissitude propre en ordre.

N’empêche, en matière de recyclage, nous ne sommes pas loin d’être les champions. Il n’y a guère que l’Allemagne, l’Autriche et la Belgique qui font mieux. L’initiative des Verts souhaiterait pourtant que nous fassions encore plus fort, que nous réduisions de deux tiers «l’empreinte écologique» laissée par nos activités diverses et joyeuses.

On peine quand même pour l’heure à sentir l’enthousiasme de la population devant cet appel à la frugalité et à la discipline. Pour tout dire, cette initiative tourne un peu au match «la science contre le reste du monde».

Un groupe de scientifiques des EPF, qui soutient l’initiative, affirme qu’elle est «non seulement nécessaire mais réalisable» et ce «sans forcément changer nos habitudes». Tout est évidemment dans ce «forcément», sur lequel les nombreux sceptiques vont se précipiter.

Les habitudes, cela se change, ou pas. Ne pas «forcément les changer», c’est admettre qu’il faudra quand même les changer un peu, voire beaucoup. D’ailleurs presque aussitôt, l’aréopage de chercheurs le reconnaît en creux dans sa conférence de presse: «Ce serait, certes, encore mieux si tout le monde changeait fondamentalement ses habitudes et réduisait sa consommation.»

L’autre argument, très classique, invoqué par les scientifiques, est celui des générations futures, dont on pourrait pourtant imaginer qu’elles souhaiteront tout autant que nous s’adonner à une vie lourde d’empreinte écologique. Mais les générations futures, rameutées dans ce contexte, cela voudrait évoquer plutôt des gens miraculeusement raisonnables, consciencieux, paisibles, sereins, modestes, peu gourmands, ascètes par conviction et par nature, et donc injustement pénalisés par nos grossiers modes de vie antérieurs. «Si nous ne misons pas aujourd’hui sur l’économie verte, les générations futures devront faire face à des coûts plus élevés en raison de la destruction des ressources naturelles», assènent ainsi nos amis des EPF.

Force est pourtant de reconnaître que les arguments des adversaires de l’initiative ne sont guère plus enthousiasmants. Là aussi, rien que du classique: il faudrait réaliser un tel effort et pratiquer une telle vertu au niveau mondial, ne le faire qu’en Suisse serait absurde. C’est l’avis par exemple du conseiller national PLR Benoît Genecand, qui voit dans le texte des Verts «un intérêt au niveau global, parce qu’il illustre la question de la surexploitation des ressources. Je suis moins certain que son application fasse sens pays par pays.»

L’autre élément mis en avant par les adversaires d’«économie verte», revient à repeindre toujours le même diable sur la même muraille: l’initiative nous amènerait toutes les plaies d’Égypte. «Je suis sûr, affirme le même Genecand, qu’il est impossible d’atteindre cet objectif sans une diminution drastique de la richesse et de la population.»

Bref, comme souvent lors des votations sur des thèmes écologiques, le citoyen se retrouve sommé de choisir entre ces deux douces perspectives: la pauvreté ou la culpabilité. Que celui qui n’a jamais péché lui lance le premier yogourt.