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Des immeubles en peau d’animaux

De Londres à Singapour en passant par Hambourg, des architectes s’inspirent d’organismes vivants pour bâtir des édifices durables.

Un bâtiment qui respire grâce à des milliers de pores. L’idée peut paraître étonnante. Elle vient d’être concrétisée par un ingénieur de l’Université de Stuttgart, en Allemagne. Tobias Becker a créé une façade réactive qui permet d’adapter progressivement le climat intérieur aux besoins des usagers, tout en nécessitant un minimum d’énergie. Elle fonctionne en augmentant et diminuant la taille d’ouvertures réparties sur les parois de la structure, permettant de laisser entrer une certaine quantité d’air et de lumière.

L’invention de Tobias Becker s’inspire de la peau d’organismes vivants, capable d’ajuster sa perméabilité pour contrôler l’échange de lumière, de substances et de chaleur entre l’intérieur et l’extérieur du corps. Elle est un exemple de biomimétisme architectural, un procédé qui consiste à imiter les propriétés d’un système biologique pour rendre les bâtiments plus efficaces énergétiquement. Les constructions sont responsables de 40% de la consommation énergétique européenne et de 36% des émissions de CO2 du continent, selon la Commission européenne.

«Il y a encore quelques années, les humains bâtissaient des ‘machines à habiter’, observe Leonardo Saavedra, un doctorant à la Technische Universität München (TUM) qui analyse le potentiel des applications biomimétiques qui s’inspirent de la peau dans la construction. Mais aujourd’hui, les architectes perçoivent les limites de cette approche et cherchent à concevoir des édifices plus durables et moins gourmands en énergie.»

De célèbres réalisations suivent le principe du biomimétisme architectural, partout dans le monde. A Londres, le gratte-ciel 30 St Mary Axe, plus connu sous son surnom de «cornichon», possède un système de ventilation comparable à celui des éponges, réduisant ses besoins en énergie de 50% par rapport à une tour standard de même taille. A Harare, au Zimbabwe, le centre Eastgate est doté d’ouvertures sur toute sa surface. Son architecte a copié la technique des termites, qui criblent de trous leurs monticules pour les ventiler. Sans aucun système d’air conditionné, le centre ne nécessite qu’un dixième de l’énergie dont un immeuble similaire aurait normalement besoin.

Manteau de fourrure

La surface de l’Esplanade Theater, à Singapour, est elle calquée sur le modèle de la fourrure de l’ours polaire, très efficace pour réguler la chaleur. Le complexe artistique est recouvert de 7’000 triangles en aluminium, dont l’orientation est contrôlée par des capteurs de lumière photoélectriques. Ces «boucliers» s’ouvrent ou se ferment selon l’angle avec lequel les rayons du soleil les frappent afin de laisser passer la lumière tout en évitant que le bâtiment ne surchauffe. Ce type de surfaces réfléchissantes réduit la demande en air conditionné de 15%, selon le programme gouvernemental américain Energy Star, chargé de promouvoir les économies d’énergie. «Les façades dites ‘intelligentes’ présentent un grand potentiel, notamment pendant les périodes ensoleillées, confirme Jan Hensen, professeur au département de l’environnement bâti de l’Université technique d’Eindhoven. L’enveloppe d’un immeuble recouvert de panneaux photovoltaïques permet par exemple de collecter l’électricité tout en agissant comme ‘bouclier’, ce qui réduit les besoins en air conditionné.»

Le Centre for Sustainable Building de la TUM s’intéresse également à ces «smart façades». Une de ses équipes élabore une surface transparente contenant des liquides et du verre isolant. Les liquides permettent de contrôler le flux d’énergie entre l’extérieur et l’intérieur, tandis que le verre améliore la performance thermique du bâtiment. Avec pour résultat, là aussi, un gain d’énergie.

La BIQ House, à Hambourg, va plus loin en intégrant des organismes vivants dans sa structure. Elle possède une surface transparente contenant des micro-algues qui contrôlent la lumière qui y pénètre. Lorsque le soleil brille, les algues se multiplient par photosynthèse et filtrent les rayons. Quand il est absent, les algues ne se propagent pas et laissent entrer la lumière. Les gains d’énergie atteignent 50%.

«Nous avons aujourd’hui les moyens d’appliquer certains processus biologiques à la technologie, affirme Leonardo Saavedra. Nombreux sont les systèmes naturels qui s’adaptent à leur environnement et fournissent ainsi des solutions finales optimales.» Pour l’architecte belge Luc Schuiten, qui dessine des villes-écosystèmes futuristes, le biomimétisme n’est qu’une étape vers un futur en accord avec l’environnement. «Depuis la révolution industrielle, les hommes ont construit en privilégiant des techniques destructrices. D’autres voies sont possibles.»
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Une version de cet article est parue dans le magazine Technologist (no 10).

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