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Des machines aux petits soins

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Derrière chaque porte, des projets fous. Ici, un simulateur de conduite pour analyser les réactions des chauffeurs grâce à des électrodes, dans le but de développer des voitures semi-autonomes capables de «comprendre» l’utilisateur et de prendre le relais si besoin. Dans cette autre salle, une chaise roulante et un exosquelette pour les jambes qui se commandent par la pensée, tout comme ces robots équipés d’un écran permettant à une personne immobilisée de se déplacer virtuellement dans un autre endroit. Ces recherches sont menées par la Chaire sur les interfaces cerveau-ordinateur (CNBI) de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Elles se basent en partie sur l’intelligence artificielle (IA), dont les applications dans le domaine de la santé ne s’arrêtent pas au supercalculateur Watson et ses prouesses en matière de diagnostic.

En effet, il apparaît qu’IA et «Machine Learning» vont devenir incontournables dans le secteur de la santé. Ces domaines progressent jour après jour. Récemment, Watson, la référence en la matière, a passé au crible 1000 cas de cancer diagnostiqués par des médecins et dans 99% d’entre eux, il a recommandé les mêmes traitements que les spécialistes. Plus fort encore, le logiciel d’IBM a mis en évidence que les oncologues avaient omis des options de soins dans 30% des cas. D’autres entreprises veulent lier IA et santé, à l’instar de Google qui a racheté la société britannique d’intelligence artificielle DeepMind en 2014 et qui veut l’utiliser pour le diagnostic, mais aussi Dell, HP ou encore Apple. Le marché pourrait être multiplié par dix en cinq ans, selon des pronostics.

L’IA offre des perspectives tout aussi intéressantes pour l’automatisation des machines ou l’autonomie des logiciels. C’est le cas des travaux du CNBI, créé en 2009 et installé depuis l’été 2015 au sein du nouveau Campus Biotech à Genève, en Suisse. Le laboratoire se sert des signaux du cerveau humain pour permettre à des personnes handicapées, en particulier souffrant de paralysie, de contrôler des instruments et d’interagir avec leur environnement. A l’aide typiquement de casques d’électrodes, les chercheurs mesurent l’activité cérébrale correspondant aux intentions des patients, puis associent ces signaux à des commandes permettant de bouger une chaise roulante ou de déplacer un curseur sur un clavier virtuel. L’usager pense à tourner à droite et la chaise obéit. Pour en arriver là, il faut beaucoup de données et d’entraînement.

Répéter 50 fois chaque mouvement

Pour un même mouvement, l’impulsion cérébrale n’est jamais exactement identique. Elle dépend de nombreux facteurs comme le niveau de fatigue, de stress ou tout simplement l’état de concentration. Afin d’élaborer des modèles aussi larges que possible, les scientifiques font donc répéter au préalable chaque intention de geste au patient 50, 100 fois, pour récolter un maximum d’informations. Ce qui reste très peu, explique Ricardo Chavarriaga, chercheur au CNBI: «Par rapport au nombre de mouvements effectués dans une vie ou nécessaires pour apprendre à marcher, il ne s’agit que d’un tout petit échantillon. Nos schémas sont donc par définition mal construits.»

Une fois les données récoltées et les modèles établis, les tests peuvent démarrer. Le patient s’entraîne à commander des actions et constate les résultats en temps réel. S’il veut tourner à droite et que la chaise ne cesse de partir à gauche, les chercheurs vont recalibrer manuellement le modèle ou récolter davantage de données. Là où l’IA entre en jeu, c’est que la machine peut également apprendre toute seule de l’utilisateur. Si ce dernier veut effectuer une action qui ne se réalise pas, il réagira à l’erreur et un signal cérébral sera associé à ce sentiment d’échec. Ce signal, modélisé lui aussi, sera perçu par la machine, qui «comprendra» s’être trompée et ne répétera pas deux fois la même faute. De façon similaire, des signaux (joie, satisfaction) sont émis par l’usager en cas de réussite d’une action, qui vont encourager la machine à la reproduire la fois suivante.

«Ce qui est intéressant dans cette approche, relève Ricardo Chavarriaga, c’est que nous ne disons pas à la machine: ‘Il faut effectuer telle action.’ Nous lui disons plutôt: ‘Cette action n’était pas correctement réalisée, il faut trouver quoi faire dans cette situation’. C’est très important parce que parfois, il n’est pas possible de dire exactement à la machine ce qu’elle doit faire.» C’est la définition même du Machine Learning. «Ces méthodes permettent de découvrir de l’information pendant l’exploration, souligne le scientifique. Au fur et à mesure, l’algorithme va optimiser son fonctionnement à partir de ce qu’il découvre.»

Mobilier intelligent

Thomas Bock utilise également une forme de Machine Learning. La Chaire en construction, réalisation et robotique de la Technische Universität München (TUM), en Allemagne, qu’il dirige, développe des intérieurs «intelligents» au service des personnes âgées dans le cadre du projet cialis uses for women. Le mobilier, truffé de capteurs, surveille notamment la santé de ses propriétaires de manière non invasive et peut alerter un médecin si besoin.

La température corporelle, par exemple, est mesurée dans la salle de bains grâce à l’imagerie thermique, en vue de déceler d’éventuelles poussées de fièvre. «Si l’algorithme remarque une température anormale en comparaison avec les relevés à long terme, il va mener des investigations approfondies», détaille Thomas Bock. Il pourra mettre en relation cette donnée avec d’autres, comme le taux d’oxygène dans le sang monitoré, quant à lui, par… la chaise de la cuisine. Des caméras observent l’utilisateur et peuvent en déduire par exemple un état de fatigue. En combinant big data et analyse algorithmique, le système va progressivement s’adapter à l’habitant et optimiser son fonctionnement.

Thomas Bock est persuadé que la technologie est la réponse clé aux difficultés engendrées par le vieillissement de la population: «Avec ce système, nous renforçons l’indépendance des aînés et leur permettons de vivre plus longtemps chez eux.» Des tests sont en cours dans une maison de santé du Tyrol du Sud, province italienne partenaire du projet avec des privés et d’autres laboratoires de la TUM.
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ENCADRE

Fiez-vous à l’instinct du trader

Une étude de l’Université de Cambridge révèle que les prévisions financières de traders conscients de l’état interne de leur corps (intéroception) sont plus fiables que celles d’algorithmes. Selon l’auteur de cette étude, il sera compliqué de doter les machines d’un tel instinct.
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Une version de cet article est parue dans le magazine Technologist (no 11).

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