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Donald Trump et les clandestins genevois

Une association nouvellement créée demande que le président américain soit interdit de territoire suisse. A Genève, on régularise les sans-papiers. Deux approches politiques aux antipodes.

Ainsi donc l’association Campax, nouvelle venue dans le paysage politique, a déposé à la Chancellerie fédérale une pétition munie de 9’500 signatures. Pour exiger trois fois rien: que l’actuel président des États-Unis soit déclaré «persona non grata» sur l’immaculé et sacro-saint territoire suisse. Des fois que l’idée lui prendrait de venir polluer par sa seule et dégoûtante présence nos monts ensoleillés et nos blancs pâturages.

Tout cela pourra paraître puéril, d’un niveau de réflexion digne des cours d’école. D’ailleurs, pour l’un des cofondateurs de Campax, Andreas Freimüller, ancien de Greenpeace qui conseille aujourd’hui des organisations comme Amnesty International ou le WWF, Trump s’apparente littéralement au croquemitaine: «J’ai trois enfants et je redoute ce dont Donald Trump est capable.» Autrement dit: le grand méchant roux rôde, planquez la marmaille.

Évidemment s’il fallait bloquer aux frontières tous les chefs d’État susceptibles de faire peur aux enfants, on risquerait de ne plus recevoir personne. On ne sait pas en tout cas ce qu’a pensé Campax des récents tapis rouges déroulés dans divers coins du pays, pour accueillir le très sympathique monsieur Xi, président chinois de profession.

Ce qui est certain, c’est que Campax promet déjà d’autres actions «fortes, agiles et courageuses sur d’autres thèmes, en Suisse». Beau programme: on n’est jamais en effet si bien congratulé que par soi-même. Mieux encore, Campax ambitionne de «devenir, d’ici à trois ans, le plus grand canal de mobilisation des forces progressistes du pays».

Des forces progressistes sans doute trop stupides pour se mobiliser toutes seules. Freimüller semble le croire: «Je suis membre du PS depuis des années, mais je pense que nos campagnes seront plus dynamiques hors des partis traditionnels.»

Dans l’interview qu’il a donné au Temps, Freimüller finit par rassurer tout le monde: cette idée d’interdire l’entrée du territoire national à Donald Trump, c’était pour rire. Juste de la communication, un art dont l’homme fait profession mais sans y attacher trop d’importance, puisque pour lui «la communication, c’est la foi, sans Jésus». Bla-bla, donc, et poursuite de vent.

S’agissant des clandestins désormais régularisés à Genève, on est bien loin de cette foi sans Jésus, et à mille lieues des postures communicantes. C’est plutôt le secret qui est à l’œuvre, avec même un nom de code qui fleure bon le roman d’espionnage: l’opération Papyrus, qui a permis depuis 2015 à 590 sans-papiers travaillant dans l’économie domestique, la restauration et la construction d’être régularisés.

Le conseiller d’Etat Pierre Maudet a justement devancé le reproche de prime à la triche ou de laxisme bisounours en expliquant que Papyrus ne s’apparentait pas à une «une régularisation collective ou une amnistie». Mais qu’il s’agissait plutôt de «valider ce que la réalité a déjà établi».

Le canton compterait encore 13’000 clandestins dont certains pourront bénéficier de Papyrus, s’ils satisfont à divers critères d’une législation assouplie, comme le fait d’avoir un emploi et de résider en Suisse depuis un certain nombre d’année.

Bref, Papyrus c’est un peu le contraire de Campax: du pragmatisme au service de l’humain et du réel, sans œillère, ni idéologie, sans grands discours ni principes creux.

Que la Suisse ait besoin de clandestins qui travaillent, cela paraît évident. Qu’elle ait tout à gagner à recevoir un jour Donald Trump aussi. Même si c’est pour lui demander le contraire de ce qui est exigé des clandestins: en faire le moins possible.