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Gore & Bush: deux kangourous qui carburent au pétrole

Pourquoi les deux candidats aux présidentielles américaines sont-ils qualifiés de kangourous par les éditorialistes? Leurs pattes avant sont-elles vraiment atrophiées? On le saura en octobre.

Après un mois d’août consacré aux traditionnelles conventions, les Américains connaissent donc les deux candidats qui vont, en novembre prochain, dans onze semaines, solliciter leurs suffrages. Du moins les suffrages des quelque 40% de citoyens qui daignent manifester leur opinion. Le troisième candidat, l’écologiste libéral Ralph Nader, pourtant crédité de 10% des intentions de vote, compte pour beurre: personne ne parle de lui dans les grands médias.

Fort heureusement, au-delà des balivernes habituelles des messes préélectorales, la convention démocrate a réservé quelques surprises, surtout en raison de la bonne prestation d’Al Gore devant les délégués et du choix de Joe Lieberman comme coéquipier. Vendredi déjà, un sondage faisait pour la première fois passer Gore devant Bush. Ce n’est qu’un signe fragile, mais il a dû remonter le moral des démocrates.

Au cours des semaines qui viennent, on devrait savoir si Bush et Gore sont vraiment des candidats kangourous comme le disent les éditorialistes américains: l’atrophie des pattes avant symbolisant la faiblesse des deux futurs chefs, les pattes arrière le poids et la sagesse politique de leurs coéquipiers. Le fait est qu’entre Dick Cheney et Joe Lieberman, bien malin serait celui qui saurait faire la différence, tant ils sont conservateurs, pour ne pas dire réactionnaires.

Entre Bush et Gore, il n’en va pas de même. Bush est venu à la politique sur le tard, après s’être fait quelques millions de dollars dans le pétrole grâce aux accointances de son papa. Gore n’a même pas essayé de gagner des millions, son père l’avait fait avant lui, dans le pétrole, bien sûr.

Il est à noter que le sénateur Gore Senior fut un ami très proche d’un des personnages les plus sulfureux du monde américain des affaires, Armand Hammer, fondateur d’Occidental Petroleum, qui pendant tout le siècle, de Lénine à Gorbatchov, servit de très d’union entre les USA et l’URSS. Un livre récent (E. J. Epstein, «The Secret History of Armand Hammer», Random House, 1996) documente les liens de dépendance entre Hammer et le KGB dès le lendemain de la révolution d’Octobre. La famille Gore est toujours actionnaire d’Occidental Petroleum, et pendant toute la présidence Clinton, c’est Gore Jr qui a géré les relations avec Moscou!

Deux fils à papa, donc. Mais l’un posant au manager pragmatique, inculte et sans scrupule, capable d’envoyer à la mort des files de prisonniers pour gagner des voix. L’autre, tout en finesse, construisant son personnage sur la défense de l’écologie, le développement de la nouvelle économie et un solide intérêt pour la politique étrangère. L’un marqué à droite, jouant la carte centriste pour capter un électorat indécis. L’autre libéral, jouant la carte puritaine de la défense de la famille et de la religion pour glisser à droite. Tous deux fiers d’être WASP (white, anglo-saxon, protestant) jusqu’aux bout des ongles. Tous deux aussi solidement ancrés dans le sud profond du pays.

Le plus dérisoire dans ce branle-bas préélectoral est qu’en fin de compte, la partie, au-delà des millions investis dans les prochaines semaines en propagande de toute sorte, va se jouer en octobre, lors des trois duels télévisés programmés.

Les trois débats devraient avoir lieu le 3 octobre à Boston, le 11 en Caroline du Nord et le 17 dans le Missouri. Que l’un des deux ait une rage de dent ou une crise d’hémorroïdes le soir du 17 octobre et le destin des Etats-Unis basculera. Mais le nôtre?