En janvier 2004, deux engins de la NASA se poseront sur le sol martien. Ensuite, ce sera le tour des humains. Tous les éléments techniques sont maîtrisés pour une colonisation de la planète Rouge.
Dans une trentaine de mois, en mai et juin 2003, deux fusées Boeing Delta II décolleront à quinze jours d’intervalle de la Floride et mettront le cap sur la planète Mars. Dans leurs flans, deux petits engins d’exploration martienne d’une masse d’environ 150 kg, bourrés d’instruments.
Après sept mois et demi de voyage, les deux robots arriveront à pied d’œuvre et se poseront dans deux sites différents, encore indéterminés, de la planète Rouge.
Avec cette double mission, baptisée Mars 2003 Rover, la NASA redonne de l’impulsion à son programme d’exploration planétaire après les échecs successifs et douloureux de Mars Climate Orbiter et Mars Polar Lander. En choisissant cette option de préférence à d’autres, moins médiatisables, l’agence spatiale américaine privilégie le côté spectaculaire; elle renouvelle sans grand risque l’opération Mars Pathfinder-Sojourner qui avait passionné les foules en 1997.
Personne n’a oublié ces images extraordinaires montrant un jouet d’enfant, à la course désespérément lente et hésitante, sillonnant le sol martien, butant contre des pierres minuscules avant de les gravir ou de les contourner. Eh bien les deux rovers – c’est le nom de ces camions-araignées à six roues articulées séparément qu’on dirait conçus chez Fisher-Price – rééditeront l’exploit de Sojourner, mais avec des performances décuplées.
A quelques jours d’intervalle (les 2 et 20 janvier 2004, si tout se passe bien), les deux charges utiles se poseront sur Mars à la manière de Pathfinder sept ans plus tôt: un parachute ralentira la descente tandis que l’enveloppe protectrice de chaque rover sera gonflée pour amortir le contact avec le sol.
Dans le scénario qu’elle a imaginé, la NASA estime que le «pneumatique» devrait rebondir une douzaine de fois sur une distance de près d’un kilomètre avant de s’arrêter… Le coussin d’air se dégonflera alors, libérant la structure en pétale qui, en s’ouvrant, redressera l’engin d’exploration en position normale, prêt à s’élancer vers sa nouvelle aventure.
Mais avant d’effectuer ses premiers tours de roues – on n’est jamais trop prudent, le rover prendra des vues panoramiques en couleur et en infrarouge. Ensuite, pendant trois mois au moins et peut-être plus longtemps si la santé de chacun des véhicules le permet, les deux rovers partiront explorer et étudier les environs, à raison d’une centaine de mètres par jour martien, d’une durée de 24 heures et 40 minutes.
Les robots sont identiques et autonomes. L’équipement scientifique se compose de cinq instruments, dont deux ont été développés par l’université Gutenberg et l’institut Max Planck de Mayence, en Allemagne. La caméra panoramique fournira des images à haute définition du milieu dans lequel évolue le robot.
Trois spectromètres permettront de déterminer la nature et l’abondance de différents types de minéraux pour l’un; s’il s’agit de minéraux ferreux, comment ils ont évolué et si l’eau a joué un rôle dans cette évolution, pour le deuxième; le troisième étudiera la composition et l’évolution de la roche et du sol martiens. Enfin, un microscope dévoilera la structure fine de la roche et du sol, élément décisif pour savoir comment ils se sont formés.
Ces cinq instruments seront aidés dans leur recherche par une sorte de «grattoir» qui débarrassera les roches de la gangue de poussière qui les enveloppe. Mais il faudrait une chance inouïe pour que soit mis au jour un fossile qui prouverait l’existence d’une forme de vie passée sur la planète.
Tout cela est intéressant, certes, mais n’est pas de nature à soulever un grand mouvement de fond dans l’opinion publique en faveur d’une exploration martienne plus radicale. Elle ne satisfera en tout cas pas les activistes de la Mars Society américaine et de son leader, l’ingénieur visionnaire Robert Zubrin.
Pour cet ardent défenseur de l’exploration humaine de la planète Rouge, tous les éléments technologiquement nécessaires à une première expédition martienne sont maîtrisés, du lanceur lourd type Saturn V au mini-réacteur nucléaire fournisseur d’énergie. Comme dans le cas d’Apollo, cette mission pourrait démarrer en quelques années.
Financièrement, l’opération est abordable, moins coûteuse à la longue que la Station spatiale internationale en construction dont on ne sait pas très bien ce qu’elle apportera au progrès de la connaissance.
Humainement, la colonisation et le «terraformage» de Mars seraient une première étape dans le sauvetage de cette civilisation, de plus en plus à l’étroit sur son globe terrestre.
Selon Robert Zubrin, la civilisation est condamnée à s’éteindre ou alors à migrer au-delà du système solaire et des ceintures d’astéroïdes, vers cette «frontière» lointaine qui, à la longue, engendrerait l’éclosion de la «civilisation galactique du troisième type», seule à même de garantir la pérennité de l’espèce.
Mais politiquement, il manque pour l’instant à ce monde rétréci la volonté d’entamer cette grande aventure… autrement qu’avec de minuscules robots…
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Liens relatifs à la Mars Society:
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A lire aussi:
«The Case for Mars; The plan to settle the Red Planet and why we must»,
R. Zubrin avec Richard Wagner, préface d’Arthur C. Clarke, Ed. Simon et
Schuster, 1996;
«Entering Space; Creating a Spacefaring Civilization», Robert Zubrin, Ed. Jeremy P. Tarcher/Putnam (member of Penguin Putnam Inc.), 1999.
