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Sus à la pédagogophobie!

L’imam genevois Ramadan expulsé de France, la statue d’un célèbre enseignant déboulonnée à Zurich: sale temps pour les prédicateurs fous.

Pédagogue, que voilà un métier compliqué. Vous êtes plein de bonnes intentions, vous croyez bien faire. Vous aimez la jeunesse, c’est la moindre des choses, et vous prenez au sérieux cette tâche fabuleuse: éduquer, enseigner, transmettre. Quoi? La vérité, pas moins. Mais personne ne vous en est reconnaissant.

Voyez l’imam genevois Hani Ramadan, vilipendé, pourchassé et même dorénavant interdit de conférences et expulsé de France. Pour quelques métaphores poétiques qui ne casseraient pas cinq pattes à un cochon. De jolies images à base, prétendument, de perles, de coquillages, d’euros et de poches, tendant à suggérer que certes, «toute femme voilée n’est pas forcément un parangon de vertu. Pas plus qu’une femme plus ou moins habillée n’est nécessairement un démon.» Mais bon, quand même un peu.
L’homme en tous cas a de la suite dans les idées. Lui qui, quinze ans plus tôt, avait été licencié par le DIP genevois après une retentissante tribune, dans laquelle il estimait en substance que lapider la femme adultère, cela pouvait quand même, si on réfléchissait bien, se justifier. Au moins un petit peu.

Cette histoire de perles, Ramadan l’avait notamment utilisée l’an dernier devant des jeunes de 15 à 17 ans au Centre de la Transition professionnelle, où il avait très judicieusement été invité à venir causer de ce fléau d’entre tous les fléaux, qui sème la désolation dans nos campagnes et dans nos villes: l’islamophobie. S’en était suivie toute une série de brouhahas et de pataquès médiatiques qui avaient obligé notre gentil prêcheur à préciser sa forte pensée: non, il n’avait jamais comparé «les femmes voilées à des perles protégées dans des coquillages, et les femmes non voilées à des euros qui passent d’une poche à l’autre».

La preuve qu’on l’avait calomnié, qu’on avait déformé ses propos, cherché à lui nuire, et que les islamophobes les plus crasses étaient à la manœuvre dans ce coup bas, Ramadan l’apportait de façon magistrale et décisive: «Je n’ai parlé ni de ‘coquillages’, ni de ‘poche’.» Ce qui change évidemment tout.

L’imam avait alors donné noir sur blanc sa vraie vision des choses dans les colonnes du Temps: «Lorsque l’on possède une perle précieuse, il faut la conserver avec attention. Une perle précieuse, cela s’enveloppe dans du velours. Plus une perle a de la valeur, plus on la tient à l’abri des regards indiscrets… Elle ne se découvre que dans la stricte intimité du couple où elle brille et resplendit de mille feux. La pudeur favorise ainsi un réel épanouissement sur le plan sexuel.»

Quant aux fameux euros, il s’agissait en réalité d’une pièce de cent sous. Ouf, la vérité vraie est enfin rétablie: une pièce, au contraire de la perle «qu’on exhibe sans trop y songer. Elle passe de mains en mains et l’on finit par n’en ressentir aucune gêne. Ternie par ce commerce, elle perd, hélas, de façon si précoce, la grâce de l’innocence.»

Il apparaît donc de façon éclatante que nous sommes ici en présence d’un crime encore bien plus grave, si cela est possible, que l’affreux délit d’islamophobie: celui de pédagogophobie. Le DIP n’avait-il pas honteusement écrit que Ramadan tenait des propos «contraires aux valeurs démocratiques et aux objectifs de l’école publique»? Une calomnie sans doute aussi énorme que celle lâchée ces jours derniers par le Ministère français de l’intérieur, accusant Hani le pieux «d’avoir dans le passé adopté un comportement et tenu des propos faisant peser une menace grave sur l’ordre public sur le sol français». Révoltant, non?

C’est cette même pédagogophobie furieuse qui est à l’œuvre contre une sommité alémanique de la transmission de savoir, Jürg Jegge lâchement accusé par des anciens élèves, des décennies après les faits, de pratiques sexuelles à l’encontre de leurs petites personnes. Jegge s’en est expliqué clairement et noblement, situant le contexte de l’époque où l’on croyait encore, certes bien naïvement, à une «libération des esprits par une libération des corps».

En conséquence de quoi, raconte ce pédagogue dans l’âme, «il y a eu des contacts sexuels à chaque fois que j’avais l’impression que cela apportait quelque chose». Le contexte, tout est là: quand donc les esprits chagrins le reconnaîtront-ils? Sans le contexte, on ne comprend rien, par exemple, aux bienfaits pourtant évidents de la lapidation.

A Jegge comme à Ramadan, qui ont évidemment tout notre soutien, nous disons: fallait-il vraiment se donner tant de peine pour expliquer la vraie vie à des ingrats?