Façon AOL/Time-Warner, Bluewin et l’éditeur TA-Media partent à la conquête des internautes suisses. En attendant les nouvelles plates-formes de la Poste, de Ringier ou d’Edipresse Online.
Avez-vous personnalisé votre page d’accueil au point de ne plus pouvoir vous passer des informations qu’elle vous donne, comme les derniers billets à prix cassés Swissair ou le cours de l’action Apple? Restez-vous sur ce site d’accueil plus de 10 minutes?
C’est en tout cas le souhait le plus cher des compagnies qui proposent un portail (ou «portal» en anglais), soit un site regroupant une foule d’ informations et de services. Historiquement, les fournisseurs d’accès comme AOL aux Etats-Unis ou Bluewin en Suisse furent les premiers à mettre en place des portails: logique, ils pouvaient configurer les navigateurs de leurs clients pour y placer l’adresse de leur page d’accueil par défaut. Les moteurs de recherche comme Yahoo, Altavista, Lycos ou Excite, ont ensuite élargi leur offre pour devenir des portails. Service de messagerie gratuite, moteur de recherche, forum de discussion et jeux constituent l’offre de base d’un portail.
Leur objectif: être utilisé comme page de démarrage par le plus grand nombre d’internautes possible. Plus un portail est populaire, plus il peut vendre d’espaces publicitaires. Par ailleurs, il touche une commission chaque fois qu’un détaillant effectue une vente grâce aux liens qui figurent sur le site.
Aux Etats-Unis, la guerre des portails a débuté il y a deux ou trois ans. Par sa fusion avec le leader mondial du divertissement et de l’information, Time Warner, AOL s’assure une longueur d’avance. Fournisseur d’accès et portail, AOL se charge de l’accès au consommateur. Et Time Warner amène le contenu qui doit le séduire, avec notamment le rédactionnel du Time et les images de CNN.
En Suisse, la jeune industrie du Net se prépare à livrer bataille. Le groupe de presse TA-Media monte une nouvelle plate-forme grâce à son récent partenariat avec Bluewin, filiale Internet de Swisscom, et le Credit Suisse Group. TA-Media, c’est le quotidien zurichois Tages-Anzeiger, les hebdomadaires Facts et SonntagsZeitung, la télévision privée TV3, le site d’annonces winner.ch et depuis peu, l’austère bi-hebdomadaire Finanz und Wirtschaft.
Dans la foulée, TA-Media va faire coter en bourse 23% de son capital cet automne, suivis de 10% supplémentaires l’année prochaine. Cette IPO (initial public offering) doit permettre de lever des fonds pour financer les activités du groupe. Aujourd’hui, la totalité du capital appartient à la famille Coninx. L’opération va donner aussi la possibilité de quitter la société aux membres du clan que le désirent.
TA-Media et ses partenaires vont lancer un portail financier en janvier 2001. Premier fournisseur d’accès Internet helvétique, Bluewin apporte son demi million de clients. L’éditeur TA-Media jouera le rôle de fournisseur de contenu, comme Time Warner pour AOL, toute proportion gardée. Quant au Credit Suisse, il amène son savoir-faire financier déjà établi sur le Net notamment grâce à son service de banque en ligne et youtrade.ch.
Public cible, les internautes boursicoteurs qui y trouveront des informations et pourront exécuter leurs transactions boursières en ligne. Un créneau où sont déjà présents Swissquote, Borsalino ou Swissinvest ou E-Sider. Mais, même encombré, le marché des services économiques reste alléchant: Swissquote (lancé par la société romande Marvel) est le site le plus consulté du pays, même si les visites des internautes y sont extrêmement courtes. Les plate-formes financières sont prisées des annonceurs et des partenaires commerciaux, qui apprécient les revenus supérieurs à la moyenne des adeptes de la bourse en ligne.
Les instigateurs du portail de TA-Media ont déjà réalisé un coup d’éclat en débauchant, chez l’éditeur concurrent Ringier, Markus Gisler pour diriger le projet. Fondateur et rédacteur en chef de l’hebdomadaire Cash, Gisler est une star du journalisme helvétique.
Parmi les autres belligérants, il y a la Poste qui fourbit ses armes avec yellowgate.ch. Lancé en association avec le détaillant Beat Curti (Pick Pay, Bon Appetit), le site bénéficie d’un investissement de 30 millions de francs. Cablecom est aussi sur le terrain depuis le rachat du fournisseur d’accès Swissonline qui lui a rapporté 150’000 clients. Sans oublier la section helvétique du géant mondial Microsoft: msn.ch (partenaire de Largeur.com pour sa section francophone).
En Suisse romande, Edipresse Online envisage d’étoffer son portal Edicom, numéro un sur son marché. Le nouveau directeur, Christophe Ansermoz (responsable du lancement du service de bourse en ligne E-Sider de la BCV), dévoilera prochainement sa stratégie.
Swissinfo, la plate-forme d’informations en continu de la SSR qui associe textes, images et sons, est convoitée aussi bien par les fournisseurs d’accès que les éditeurs privés.
Pour s’imposer comme portail dans la durée, l’élément déterminant est le contenu, cette substance abstraite produite autant par des forums de discussion que des chroniqueurs ou journalistes… C’est l’appât, ce qui va retenir les internautes sur un site, le noyau sur lequel se greffe l’offre commerciale. «Le message, c’est le medium» disait Marshall McLuhan. Une maxime ambigue que concrétise le réseau mondial. Pour développer le medium, il faut impérativement avoir quelque chose à dire.
