Adress, le plus grand tirage des magazines suisses, est vendu en kiosque au prix de 7 francs. Il s’agit en fait du catalogue du magasin PKZ qui se déguise en Wallpaper.
Quand j’ai voulu acheter le magazine Adress dans un kiosque de la gare Cornavin, à Genève, le vendeur m’a répondu «non, nous n’avons pas ça», aussitôt contredit par son collègue qui est allé cherché l’objet dans les rayons.
Il y a peu, je me disais qu’une nouvelle revue suisse profilée «lifestyle» et dépassant les frontières de la seule scène techno serait la bienvenue. Mais quand j’ai vu l’objet, j’ai douté.
La magazine Adress est bi-facial: il peut être tenu dans les deux sens. L’une de ses couvertures s’adresse aux femmes, l’autre aux hommes. De chaque côté, il offre une liste de bonnes adresses et des pages illustrées consacrées à la mode de chaque sexe. Bref, Adress est volontairement bi, même dans sa langue: on le trouve en français à Genève et en allemand à Zurich.
Bi et pas sectaire question âge: les mannequins ont de 20 à 70 ans. Le magazine veut ratisser large dans un public de «classe moyenne à aisée». Son tirage s’élève à 470’000 exemplaires, ce qui fait de lui le magazine suisse au tirage le plus élevé.
Enfin, presque. Car Adress, contrairement aux apparences, n’est pas un magazine. Il s’agit en fait d’un catalogue de mode pour la marque de vêtements PKZ, qui le distribue gratuitement à tous ses clients et qui le vend pourtant aussi en kiosque au prix de 7 francs suisses.
Sept francs pour de la vulgaire publicité sur papier glacé? Pas tout à fait. Comme son nom l’indique, le concept d’Adress est de publier, en plus des photos PKZ et de quelques articles, une liste des bonnes adresses d’une ville suisse. Le premier numéro, qui vient de sortir, est consacré à la capitale politique. Avec ce choix, le magazine évite l’arrogance zurichoise et reste politically très correct.
Passons sur l’article consacré aux «Bernoises vues par les Bernois», et vice-versa: pas très drôle ni très coquin. Mais arrêtons-nous sur le plus instructif: «Ce que le monde doit aux Bernois». A savoir: l’Ovomaltine, Ursula Andress, le Toblerone, les cubes métalliques USM Haller… C’est tout. Tant pis pour les Friedrich Dürrenmatt, Paul Klee et Ferdinand Hodler – il est vrai qu’ils sont nés dans des villages voisins et pas dans la capitale même.
Beaucoup plus aguichant, et franchement inattendu: l’équipe de hockey bernoise qui pose en slip dans les gradins du stade. Dommage qu’il n’y ait qu’une seule photo.
Un peu plus loin, Silvie van Kronen, qui «travaille dans la recherche urbaine», visite Berne pour en vanter la «luminosité» qui, selon elle, vaut une véritable cure de jouvence. Toutes les femmes y sembleraient plus jeunes – à vérifier. Enfin, le clou du numéro: les dessins de René Habermacher, qui place ses modèles portant Chanel, Fendi ou Gucci dans les salles du Palais fédéral. Amusant, bien vu et à tous les coups, inédit. Et peut-être inspirant pour nos parlementaires.

Le prochain numéro d’Adress devrait sortir au printemps 2001 et sera dédié à Zurich – on y arrive tout de même. Le numéro suivant, prévu pour l’automne de la même année, s’intéressera, lui, à Genève.
Alors, verdict? Mitigé. Les adresses de Berne (bars, clubs, restaurants) sont plutôt bien choisies, et «up to date». Cela dit, cette revue qui se considère «aussi moderne que Wallpaper» reste ce qu’elle est: un catalogue de mode pour PKZ. Au prix de 7 francs, c’est un peu cher.
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Une présentation du magazine Adress est accessible à l’adresse www.a-dress.ch
