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La Playstation 2: un jouet trop cher et même pas dézoné

A minuit, plusieurs grands magasins européens ont ouvert leurs portes. Au Virgin Megastore des Champs-Elysés par exemple, des centaines de personnes se sont battues aujourd’hui pour tenter d’acquérir la console de jeu la plus chère jamais lancée sur le marché: la Playstation 2 de Sony.

Je dis bien «tenter» car au début, il n’y en aura pas pour tout le monde. Sony organise soigneusement la rareté de son produit phare: pas plus d’une centaine d’exemplaires par point de vente.

Lors de son lancement américain au mois d’octobre dernier, la Playstation 2 a disparu des rayons en deux jours. Plus moyen de mettre la main sur le joyau noir chez les revendeurs traditionnels.

Restait le Net et ses services de vente aux enchères. Le désir qu’a fait naître l’objet (en mars, pour sa sortie japonaise, on l’a baptisé «Emotion Engine») devait bien avoir un prix que les sites comme eBay, Amazon ou Excite pouvait évaluer.

Effectivement, les enchères ont fait monté le prix de 400 à 1’000 dollars. Une offre a même grimpé jusqu’à 6’100 dollars mais le gosse qui avait misé s’est rétracté: il voulait taper 610…

Aujourd’hui, c’est au tour de l’Europe, et je suis prêt à parier que dans quelques heures seulement, on annoncera une rupture de stocks. Les précommandes pour le continent s’élèvent à 400’000. Aux Etats-Unis, Sony avait annoncé peu avant la livraison que la moitié seulement du million d’exemplaires promis arriverait à temps le premier jour. Des problèmes d’approvisionnement des composants de la machine, disaient-ils.

Le plan marketing d’un produit si convoité semble imparable: très peu de publicité, des spots télévision inexistants, juste un buzz, une attente née il y a cinq ans avec le lancement par Sony de sa première console.

Près de 70 millions de PSX One vendues plus tard, Sony réitère l’opération. Et les consommateurs attendent beaucoup. Playstation, c’est une histoire technologique autant que sentimentale.

Avec la PSX2, c’est comme si Sony avait voulu suivre ceux qui, adolescents, étaient tombés amoureux de sa sœur aînée. Cinq ans plus tard, les anciens gamins gagnent leur vie, sont connectés au réseau et visionnent des séries B en DVD. La PSX2 s’est donc soumise à ces pratiques. Pour les séduire, elle se présente comme un produit de luxe (700 francs suisses, 3000 francs français), un tarif incroyablement élevé pour un tel engin (oui oui, je sais, un processeur 128 bits avec un rendu formidable des images etc.) même s’il lit aussi les DVD.

Ce dernier point est l’un des principaux atouts du joujou japonais calibré pour Noël. En achetant un seul produit, vous obtenez en fait deux gadgets indispensables à placer sous le sapin: une console de jeu pour les petits et les grands, et un lecteur de disque vidéo qui fournit un excellent argument à papa pour justifier l’achat: «Regarde chérie, avec ça, on pourra regarder des films le dimanche.»

En fait, le lecteur DVD de la Playstation n’offre pas tous les avantages d’un lecteur de salon. En premier lieu, il ne propose pas la lecture multizone, c’est-à-dire qu’il ne permet de visionner que les DVD européens (zone 2). Contrairement aux appareils traditionnels, qui sont généralement «multizones», un atout indispensable pour louer les DVD américains ou canadiens dans les clubs spécialisés.

Certains pirates prétendent avoir réussi à «craqué» la PSX2 pour la rendre compatible avec toutes les zones. Un commerçant australien s’est même vanté il y peu de commercialiser un kit de dézonage. En fait, malgré les rumeurs, on n’a pas encore réussi à dézoner une PSX2, aux dernières nouvelles.

Autre lacune qui devrait être comblée rapidement: les jeux en réseaux, qui ne sont pas encore au point. Pas si grave, dans la mesure où les connexions européennes sont encore souvent trop lentes (modem) pour ce genre d’exercice.

La PSX One avait permis à Sony de dominer le marché des consoles. Depuis, la Dreamcast de Sega, sortie l’année dernière, a inauguré une nouvelle génération de machines. Et donc de nouveaux profits pour les constructeurs. Microsoft a d’ailleurs annoncé le lancement de sa XBox pour l’automne prochain. Nintendo aura alors délivré son Game Cube. Le combat pourra se poursuivre.

Mais le gagnant ne sera certainement pas celui qui aura aligné le plus de bits, mais celui qui aura développé les meilleurs jeux, en réseau comme en local. Car ici comme ailleurs, c’est le software qui vend le hardware.