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Tudor, un cauchemar pour la Roumanie

Le 10 décembre, les Roumains pourraient bien se retrouver avec un antisémite fanatique à la tête de leur pays. Il a déjà obtenu 28% des suffrages, et ce sont les jeunes qui ont voté pour lui.

La situation politique est dramatique en Roumanie. Il n’est pas exclu qu’une sorte de nazi parvienne à sa faire élire à la présidence.

C’est la conséquence de la gestion calamiteuse du pays par la droite classique au cours de ces quatre dernières années. Le président sortant, Constantinescu, est géologue réputé mais politicien ignare. Sa coalition de droite dite démocrate-chrétienne (mais en réalité de tradition agrarienne dans le sens que l’on donnait à ce terme dans l’entre-deux-guerres) s’est révélée incapable de prendre la moindre initiative politique.

Les grands dossiers économiques (restructuration de l’industrie lourde) ou juridique (législation sur la propriété privée) n’ont pas avancé. Pas plus d’ailleurs que les dossiers mineurs comme le sort des enfants des rues (l’Europe en avait fait une pierre d’achoppement) ou celui des chiens errants au cœur de la capitale. Au début de l’été, le président Constantinescu renonça, dans un éclair de lucidité, à se représenter. Il a bien fait. Dimanche dernier, son parti démocrate-chrétien n’a pas gagné un seul siège dans le nouveau parlement. Balayé de la scène politique!

Comme prévu depuis de longs mois, c’est le Parti de la démocratie sociale (PDSR) de l’ancien président Ion Iliescu qui l’a emporté avec 36% des voix. Ce n’est pas un triomphe, loin de là. Le PDSR n’a pas avancé par rapport aux élections précédentes: ce sont les autres qui ont disparu.

L’autre vainqueur est le Parti de la Grande Roumanie (PRM) de Corneliu Vadim Tudor, 50 ans, un histrion qui jadis faisait le galant avec la femme de Ceaucescu en lui rimant de mauvais vers et qui, aujourd’hui, chevauche le mécontentements et le désespoir de ses compatriotes en pratiquant l’insulte, le chantage, l’appel à la haine et au meurtre. Xénophobe, antisémite fanatique, ultranationaliste partisan d’un Etat fort, il a tous les traits de ces dictateurs des années trente qui plongèrent l’Europe entière dans le malheur.

Quand on parle du nationalisme de Tudor, il faut savoir que le concept de Grande Roumanie implique la réunion dans un même Etat de la Roumanie actuelle, de la Moldavie, d’une région (le Quadrilatère) de Bulgarie, de deux régions (Bucovine et Budjac) d’Ukraine et de quelques miettes de Hongrie. La Serbie est le seul voisin avec lequel les ultras roumains n’ont pas de contentieux.

En obtenant près de 23 % des voix au parlement, le Parti de la Grande Roumanie a remporté un succès historique. D’autant plus historique que ce sont les jeunes qui ont voté pour lui. Mais Tudor, son leader, a fait mieux: il a obtenu 28% des voix pour la présidence. C’est là qu’est le danger, dans cette dynamique qui fait qu’il a plus de suffrages que son parti, ce qui n’est pas le cas d’Iliescu.

Tudor, en somme, a le vent en poupe dans le mesure où il n’a jamais gouverné et que ses discours enflammés semblent séduire des jeunes sans avenir qui ont déjà oublié jusqu’au souvenir de communisme de Ceausescu. A moins qu’ils n’enjolivent cette période à travers les discours de leurs parents qui en parlent comme d’un temps où tout le monde était à la même enseigne, alors que maintenant, la petite minorité de riches étale un luxe indécent.

Le deuxième tour de l’élection aura lieu dimanche 10 décembre. La droite classique risque fort de s’abstenir par haine d’un Iliescu encore traité aujourd’hui de néocommuniste alors qu’il ne l’est certainement pas plus que les autres dirigeants de l’Est. Il est juste beaucoup moins compétent. Iliescu et son parti ont déjà fait savoir qu’en cas de victoire de Vadim Tudor, ils ne se prêteraient pas au jeu de la cohabitation à la française.

La Roumanie est aujourd’hui menacée d’implosion tant les frustrations sont grandes et le mécontentement répandu. Le pire est qu’au cours de ses quatre années de pouvoir, la droite dite classique n’a même pas été capable de réformer les sommets de l’armée et de la police. En cas de crise ouverte, à qui obéiront-elles?