Petit séisme dans le graphisme suisse: la Coop change de logo. Depuis le 1er janvier 2001, le géant de la distribution a entrepris une vaste réforme de l’ensemble de sa communication visuelle. Son fameux symbole avec quatre rondelles blanches sur fond orange disparaîtra définitivement du paysage avant la fin de l’année.
Mine de rien, c’est une parcelle de l’identité visuelle de la Suisse qui s’éteint. Certains professionnels de l’image le regrettent déjà. «L’ancien logo était très avant-gardiste, extrêmement radical, estime François Rappo, responsable du département de communication visuelle à l’Ecole d’art de Lausanne (Ecal). Quand j’étais enfant, je n’arrivais pas à le lire. Il m’a beaucoup intrigué. Avec ce lettrage purement géométrique et ces cercles parfaits, c’était un vrai monument. Ils auraient dû le conserver.»
Le nouveau logo, inauguré au printemps dernier, apparaît depuis quelques jours dans les magasins. Il est nettement plus simple et plus lisible que son prédécesseur. Il se présente en deux tons d’orange déclinés de gauche à droite, avec une troisième tonalité entre les deux «o».
«L’idée était de signifier par les couleurs l’évolution de la Coop, explique Felix Wehrle, porte-parole. Il se trouve que nous avons complètement réorganisé l’entreprise en regroupant les petites sociétés locales. L’ancienne Coop est morte. Ce nouveau logo doit symboliser le changement.»
C’est le bureau zurichois Külling Partner Identity (KPI), déjà à l’origine du visuel M-Budget et du logo Aperto, qui a été chargé de remanier l’identité graphique de Coop. «Nous avons été sélectionnés à la suite d’un appel d’offre, explique le graphiste Andy Schneiter, de KPI. C’est nous qui leur avons proposé de changer de logo. Je comprends qu’on puisse regretter l’ancien visuel mais par rapport à leur projet d’entreprise, c’était la seule manière de faire. Cinq de nos graphistes ont travaillé sur le projet.»
Pour le distributeur, ce changement d’image donne lieu à un marathon organisationnel. Les enseignes de plusieurs centaines de magasins seront remplacées d’ici le mois de mai de même que l’ensemble du papier à lettres, des cartes de visite, des publications, des tickets de caisse, des étiquettes… «Cela correspond à plusieurs milliers de documents, explique Felix Wehrle. Le budget total de l’opération se compte en dizaines de millions de francs. Mais à terme, cela doit aussi nous permettre de faire des économies car la structure de la nouvelle Coop est plus efficace. Les anciennes sociétés locales sont maintenant regroupées en grandes entités: cela nous permet de réaliser des économies d’échelle.»
Tous les employés ont été informés par courrier de cette évolution conceptuelle et graphique de la compagnie. «Nos 45’000 collaborateurs ont reçu le nouveau journal du personnel, qui explique ces changements – et qui remplace d’ailleurs la trentaine de publications internes qu’on utilisait jusqu’à présent», poursuit Felix Wehrle.
Avant de lancer son nouveau symbole graphique, la Coop a mené des tests auprès du public-cible. «Les clients ont très bien réagi, explique Andy Schneiter. Ils n’ont pas du tout regretté l’ancien logo.» Du côté des professionnels, en revanche, la réforme a été moins bien accueillie.
«L’ancienne identité visuelle était extrêmement forte, estime H1 Reber, de Büro Destruct, un collectif bernois très réputé qui a notamment créé la typographie du dernier album de Radiohead («Kid A»). L’ancien logo Coop était devenu très «hype». Personnellement, je ne l’aurais pas abandonné. Ça me fait penser à Pionneer qui vient de remplacer son logo historique par un autre qui est à la fois ennuyeux et laid.»
La Coop a connu plusieurs virages graphiques au cours de son histoire. En 1908, elle s’appelait encore USC (pour Union suisse des coopératives). Son symbole était alors un arbre stylisé. Le fameux logo avec les deux «o» superposés est apparu en 1959. Il était intégré dans un carré orange.
En 1981, les coins du carré ont été arondis et en 1989, le symbole a été accompagné d’une typographie de type «gill bold», abondamment utilisée dans les publicités du distributeur et diversement appréciée par les clients.
«Pendant des années, j’ai trouvé cette typo orange particulièrement ringarde, raconte Stefan, 25 ans, un client. Elle me faisait penser aux mamis qui vont faire leurs commis à la «coppet». Et puis, il y a eu le retour de la mode des années 70. Du coup, j’ai trouvé que ce style d’écriture Coop avait de la gueule.»
L’ensemble de cette identité visuelle aura donc disparu à la fin de l’année 2001, remplacée par le concept graphique de KPI. Le nouveau logo est basé sur une police de type «accident grotesk», modifiée pour l’occasion.
«L’ancien symbole Coop correspondait à une certaine utopie des années 20, dit François Rappo, de l’Ecal. Il était lié à un projet de réforme de la société par les coopératives. J’imagine que la Coop actuelle ne se reconnaissait plus dans ce visuel: cela me paraît légitime. Reste à savoir si le nouveau logo durera aussi longtemps que le précédent…»
«A mon avis, il va facilement tenir dix ans, estime Lucius Leonhardt, consultant chez KPI. Il va peut-être évoluer, changer de couleurs comme le logo d’Apple qui a perdu son arc-en-ciel. Mais il va durer.»