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L’uranium appauvri, une fission de l’esprit moderne

Commençons, avant de sourire et de vilipender, par rappeler quelques définitions. L’uranium naturel est un métal gris, présent dans plusieurs minerais, où il est toujours accompagné de radium. La dissociation des isotopes qui le constituent produit d’une part de l’uranium enrichi, d’autre part de l’uranium appauvri.

Le premier peut donner lieu, sous l’action de neutrons thermiques, au phénomène de fission qui permet une réaction en chaîne. Quant au second, il présente des caractéristiques de masse et de dureté telles qu’il fut d’abord utilisé dans l’art des émaux, par exemple, et que l’industrie guerrière s’en sert aujourd’hui pour fabriquer des projectiles et des blindages.

Or dans notre esprit d’homo industrialis, l’uranium signifie la bombe atomique et les centrales nucléaires, c’est-à-dire la radioactivité, et par conséquent l’irradiation qui provoque l’anéantissement de tout être vivant à court (Hiroshima) ou moyen terme (Tchernobyl).

Depuis la guerre qu’on nomma propre du Golfe, jusqu’à celle qui fut normalement sale des Balkans, un soupçon s’est donc mis à parcourir les populations militaires engagées et leurs autorités civiles respectives: désormais, tout symptôme d’affection clinique postérieur au conflit n’aurait prioritairement qu’une origine – hors l’empoisonnement imputable aux armes chimiques: l’uranium appauvri des blindages et des obus!

Telle est la croyance qui vient d’occuper les médias et les milieux politiques, en Europe autant qu’aux Etats-Unis. Parfaitement infondée sur les plans de la science et de la médecine (ne serait-ce que dans la mesure où l’uranium appauvri émet lui-même moins de rayonnements ionisants que l’uranium naturel…), elle nous renseigne pourtant sur le triste état de notre mentalité générale.

Nous voici donc, en tant que braves Occidentaux, tout prêts à sauver le monde. Tout prêts à porter le fer où que ce soit. Tout prêts à massacrer les adversaires de la paix et de la démocratie. Et tout prêts, d’ailleurs, à crever nous-mêmes au quotidien: d’aliénation dans notre vie professionnelle, de pollution atmosphérique dans nos mégalopoles ou de prions dans nos assiettes.

Mais l’uranium appauvri, quelle horreur! De grâce! Non! Autrement dit nous sommes cyniques, à la fois criminels et suicidaires dans la pratique, quoique profondément obsédés par le fantasme de nous surassurer contre tout danger – notamment lorsque nous l’avons inventé. Jolie complexion psychologique collective, non, pour commencer le siècle?