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La fièvre aphteuse, une vacherie dans les flammes

Parmi les expressions les plus marquantes aujourd’hui, celle qui désigne la «fièvre aphteuse» possède la qualité particulière d’être aussi l’une des plus anciennes en français – puisque le mot «aphte» apparut pour la première fois dans cette langue sous sa forme écrite en 1545, en provenance du substantif latin «aphthæ» précédé lui-même de son équivalent grec «aphthai», tiré du verbe «aptein» qui signifiait «brûler».

Il y a de quoi. La maladie se manifeste par une fièvre accompagnée de vésicules enflammant les muqueuses buccales et le museau, voire la peau qui borde les sabots. Chez les vaches laitières, ces joyeusetés se fixent aussi sur les mamelles et les pis, tandis que des lésions macroscopiques apparaissent sur la panse et le coeur. Chez le porc, car les bovidés ne détiennent à ce jour aucun monopole en la matière, les vésicules affectent le groin et les pieds, tandis que, chez le mouton et la chèvre, seules les lésions des onglons sont symptomatiques.

Le pauvre Jean-Jacques Annaud pourrait donc nous proposer une «Guerre du Feu II», oeuvrette «upgradée» grâce à laquelle il nous démontrerait que l’ère des fusions industrielles et commerciales, après celle des grottes préhistoriques, suscite pareillement le feu plus sûrement qu’un briquet Bic: c’est en effet la concentration forcenée des filières d’élevage et d’abattage du bétail, en Grande-Bretagne comme sur le continent, qui provoque l’aphtomania présente. Autrement dit, fin de notre civilisation? Fin du monde, et glissade dans une éternité faite de flammes, pareille à ces images de bûchers qu’on a pu voir ces jours-ci dans nos journaux, quasi médiévaux, où grillent des centaines de carcasses les pattes en l’air? Sans doute.

A ce propos, une petite histoire circule dans les couloirs de ce que Jean-Luc Godard appelle plaisamment «Canal + ou –». C’est celle de Jean-Marie Messier, président-directeur-général de Vivendi, donc fusionneur à l’échelle planétaire, qui parvient au Paradis. Saint Pierre l’y reçoit qui le promène de palais magnifiques en jardins enchantés, avant de lui faire découvrir son lieu de séjour personnel. Horreur: c’est peuplé de démons, sur fond de brasiers! Alors, à Messier qui l’interroge perclus d’angoisse, son interlocuteur répond simplement: «Ah bon? Vous ne saviez pas? Dans le cadre des restructurations locales, le Paradis vient de fusionner avec l’Enfer.» La vache.