LATITUDES

Après le divorce, un droit de visite par webcam

Les tribunaux américains commencent à imposer les «visites virtuelles» aux couples divorcés: les parents ont le droit de communiquer par vidéoconférence avec leurs enfants.

En divorçant de son mari en octobre dernier, Tawny Sniderman ne s’attendait à perdre la garde de sa fillette de 10 ans, Ashton.

Le choc a été dur, mais atténué par l’ordre plutôt inhabituel de la cour de Seminole (Floride): les deux parents ont été sommés de s’équiper d’un ordinateur et d’un système de vidéoconférence pour permetter à Tawny, vivant désormais dans l’Ohio, de rendre des «visites virtuelles» à sa fille.

Tawny était presque prise à son propre piège puisque c’est elle qui avait proposé la solution de la webcam à son ex-conjoint, Gary Kaleita, convaincue qu’elle obtiendrait la garde de l’enfant.

Une demi-année plus tard, Tawny ne cesse de s’autocongratuler pour cette idée de génie: «Je peux participer à ce que je ne pourrais jamais faire par téléphone», déclarait-elle le mois dernier à USA Today. La mère et l’enfant communiquent quotidiennement. Ashton montre ses derniers dessins à Tawny ou lui demande des conseils vestimentaires.

Premier du genre à recevoir pareille publicité, le cas des Sniderman-Kaleita n’est pas isolé aux Etats-Unis. «Ces jugements sont de plus en plus fréquents, d’ici la fin de l’année, ils seront monnaie courante dans tous les Etats», prédit Tom Harrison, éditeur de de la revue de droit Lawyers Weekly USA. Des jugements similaires ont été rendus depuis dans le New Jersey et dans l’Etat de New York, suscitant à chaque fois des réactions passionnées et controversées.

Pour les avocats, les visites virtuelles ne sont que l’extension naturelle des contacts téléphoniques, imposés il y a plusieurs décennies déjà en cas d’incapacité de l’un ou l’autre parent de rendre visite à son enfant. Même si chacun convient que ces visites ne peuvent se substituer au contact réel. «Il faut les considérer comme un moyen supplémentaire à la disposition de la justice pour autoriser un parent à déménager», poursuit Tom Harrison.

Les pédagogues sont les plus sceptiques. «Ce truc, c’est de la réalité virtuelle, or un enfant c’est réel», tempête David Levy, président du Conseil pour les droits de l’enfant. «Comment embrassez-vous votre enfant dans la virtualité?»

Le débat n’est sans doute pas prêt de s’éteindre. Mais dans certaines situations, la vidéoconference s’est imposée comme le meilleur moyen de garantir un lien entre parents et enfants séparés. Le service pénitentiaire de Floride a ainsi lancé un ambitieux programme-pilote sur deux ans pour permettre aux prisonnières de rester en contact avec leurs enfants une fois par semaine. Les autorités de Floride avaient fait valoir à l’époque qu’entre 65 et 70% des détenues étaient mères, souvent d’enfants en bas âge.

Les prisons d’Etat étant éloignées des centres urbains, ce programme a permis à des mères qui n’avaient que des contacts sporadiques avec leurs enfants de renouer avec eux.. Là encore, les pour et les contre s’affrontent. Seules des études sur la durée permettront de mesurer l’impact de ce nouveau type de relations sur l’évolution des enfants.

Reste que pour de nombreux enfants du divorce, comme pour ceux de parents détenus, les «visites virtuelles» ont souvent permis de remédier à des contacts réels limités par des séparations bien réelles.