LATITUDES

Muse, le médicament qui surpasse le Viagra

Un an après l’apparition du Viagra, l’impuissance masculine alimente toujours les conversations. Délaissant la petite pilule bleue, de nombreux médecins se tournent désormais vers un traitement qui a fait son apparition il y a quelques mois: le MUSE.

C’était au printemps 98. Les habitants du globe apprenaient à prononcer un nouveau mot de six lettres, contraction de «vigueur» et de «Niagara», un nom inventé par les laboratoires Pfizer pour désigner une pilule bleue présentée comme le remède miracle contre l’impuissance: le Viagra.

En quelques mois, le Viagra a envahi les officines pharmaceutiques, les plaisanteries grivoises et l’imaginaire collectif. Cette pilule est devenue une vraie star, au point d’éclipser l’apparition, à l’automne 1998, de son rival MUSE (acronyme de Médicament Urétral pour la Stimulation de l’Erection), que de nombreux médecin jugent pourtant supérieur.

Contrairement à la pilule Viagra, dont le contenu se répand dans l’ensemble du corps, MUSE permet un traitement local par application transurétrale d’un vasodilatateur extrêmement puissant: l’aprostadil.

En clair, le package de MUSE se compose d’un petit applicateur en plastique avec capuchon. Dans sa pointe se trouve le médicament. L’applicateur à usage unique permet l’introduction par le patient du médicament dans l’urètre. Il suffit pour cela de libérer le produit en appuyant sur le bouton de l’applicateur.

L’aprostodil est absorbé rapidement par la muqueuse urétrale. Cette substance active induit une érection en augmentant l’afflux de sang artériel.

Si de nombreux médecins préfèrent aujourd’hui prescrire MUSE, c’est parce que son mode de traitement, purement local, évite l’inconvénient majeur du Viagra, qui présentait le risque d’interactions avec des traitements cardiologiques.

Les effets secondaires de MUSE sont très rares. Après environ 10 minutes, le médicament produit une splendide érection qui dure entre 30 et 60 minutes, selon le patient et la dose utilisée. Son emploi est simple et permet de préserver la spontanéité dans les relations sexuelles.

En Suisse, près d’un demi-million d’hommes sont concernés par des problèmes d’impuissance. Parmi les individus âgés de 40 à 70 ans, 17% présentent un trouble érectile léger, 25 % un trouble modéré et 10% un trouble érectile complet.

A l’heure actuelle, seul un dixième des hommes concernés ont recours à un traitement médical. L’opinion prévaut encore que les troubles érectiles feraient partie du processus irrémédiable de vieillissement naturel. Pourtant, chaque cas, ou presque, pourrait être traité avec succès.

Il est vrai que le coût de MUSE reste un obstacle de taille. A 30 francs suisse l’application, ce médicament n’est pas, si l’on ose dire, à la portée de toutes les bourses.

Mais le traitement médical n’est pas tout. Le regard social sur l’impuissance a lui aussi fondamentalement changé au cours des dernières années. Il y a vingt ans, on estimait à environ 90% les cas d’impuissance dus à des facteurs psychiques. On admet aujourd’hui une cause organique dans 80% des cas de dysfonction (diabète, maladie vasculaire, traumatisme médullaire, maladie endocrinienne, etc).

Ces chiffres sont clairs: seuls quelques petits pourcents de la population masculine souffrent d’une impuissance d’origine psychologique.

Voilà qui minimise considérablement les ravages imputés aux revendications féministes. Que n’a-t-on entendu? Dans la guerre des sexes, les hommes, fragilisés, déboussolés, auraient perdu leur virilité. On a même évoqué le crépuscule d’un mâle angoissé par la performance…

A coup sûr, le nouvel homme a perdu un certain nombre de ses repères et tente de réintroduire dans les rapports amoureux ces puissants dopants que sont l’émotion, l’attente, le mystère ou le rêve. Sa compagne a tout lieu de s’en réjouir. Le coup de la panne ne sera donc bientôt plus qu’un mauvais souvenir.

Mais au moment où l’impuissance est en passe d’être jugulée grâce à la chimie, voici qu’apparaît un nouveau type de panne. Selon le célèbre psychiatre Willy Pasini, le désir masculin serait sur le déclin: «De plus en plus d’hommes viennent me consulter parce qu’ils n’ont plus de désir, écrit-il dans son ouvrage «La force du désir» (éd. Odile Jacob). Et ce n’est pas un problème de fonction. Ceux qui, auparavant, venaient me voir en disant «je veux, mais je ne peux pas» me disent maintenant «je peux, mais je ne veux pas.»»

Ici, Viagra et MUSE se révèlent impuissants.