KAPITAL

Internet, la fin de la gratuité

Quand le marché de la pub s’assèche, les internautes sont invités à passer à la caisse. Logique.

L’économie du Net va connaître dans les prochains mois son passage à l’âge adulte. Fini le temps de l’innocence. Après des années de gratuité quasi-totale de l’information, les internautes vont devoir s’habituer à passer à la caisse. Plusieurs sites spécialisés ont déjà fait le pas et prennent le risque de vendre des informations diffusées jusqu’ici gratuitement.

Pour beaucoup d’entre eux, c’est une question de survie. Le site satirique cialis how much, qui s’est donné comme vocation de répertorier les faillites des startups, n’a trouvé qu’une seule solution pour échapper lui-même au carnage: vendre par abonnement ses informations à haute valeur ajoutée. La question cruciale, celle que se posent tous les éditeurs, est dès lors de savoir si les lecteurs seront prêts à payer.

Six semaines après l’ouverture des souscriptions, le pari semble gagné pour FuckedCompany. Philip Kaplan, son fondateur annonce que 941 internautes se sont déjà abonnés à son service. Compte tenu des tarifs, qui vont de 25 dollars à 75 dollars par mois, c’est une vraie prouesse. Cette nouvelle source de revenu pourrait procurer à la petite entreprise new-yorkaise jusqu’à 800’000 dollars par année, selon les estimations du très sérieux News.com financé, lui, par la publicité.

L’expérience de Fuckedcompany est une bonne nouvelle pour tous les éditeurs en ligne qui, après plusieurs années d’optimisme alimenté par les perspectives publicitaires, cherchent aujourd’hui un moyen de diversifier leurs revenus. Confronté à des angoisses de liquidités, le magazine en ligne Salon.com lançait en avril sa version «premium», proposant à ses lecteurs de s’abonner (30 dollars par an) et d’échapper ainsi à la pub toujours plus criarde sur sa version gratuite. Les résultats de l’opération ne sont pas encore connus.

Du côté des sites plus généralistes, le géant Yahoo, champion de la gratuité, a récemment tenté de faire payer l’internaute pour certains services d’enchères. Sans succès. Il va cependant continuer à chercher des formules de facturation, comme la plupart des éditeurs en ligne. Car chacun se rend compte qu’il y a trop d’audience à vendre et pas assez d’annonceurs. D’autant que les formats publicitaires en vigueur sont tout sauf satisfaisants.

«Les professionnels de la publicité ne se sont pas encore adaptés aux nouveaux médias, observe Michelle Bergadaa, chercheur en marketing à l’Université de Genève. Ils vont devoir trouver des moyens plus efficaces pour toucher les internautes. Dans l’intervalle, de nombreux sites financés jusqu’ici par la seule publicité vont devenir payants, du moins partiellement.»

Même réflexion du côté des journaux habitués à offrir leur contenu gratos sur le Net. «Passer d’un modèle totalement gratuit à un modèle totalement payant serait une erreur, estime Valérie Boagno, directrice commerciale du quotidien Le Temps, à Genève. Nous réfléchissons à une évolution par étapes.»

Le quotidien genevois vend déjà l’accès à ses archives en ligne. «Mais cela ne nous rapporte qu’environ 30’000 francs par an, poursuit-elle. Le système par abonnement est moyennement satisfaisant, du moins pour des services de ce genre.»

La publication en ligne devrait ainsi se rapprocher du modèle semi-payant de la presse traditionnelle où, pour prendre l’exemple du Temps, «60 à 70% des revenus proviennent de la publicité», ajoute Valérie Boagno.

On a longtemps considéré que les internautes ne seraient jamais prêts à payer pour de l’information. On disait que si un site devenait payant, ses visiteurs iraient immédiatement chercher ailleurs. On répétait que sur le Net, la concurrence n’est jamais qu’à un clic de distance. Depuis la chute du Nasdaq, les discours ont changé. Pour les diffuseurs qui proposent une information ciblée et à haute valeur ajoutée, l’option du service payant est devenue envisageable.

«Au cours des dernières années, les internautes ont connu une sorte de nirvâna en termes de contenu», estime Bruno Giussani, pionnier européen du Net. La plupart des infos étaient gratuites, de même que certains services comme le SMS ou la téléphonie IP. Ce nirvâna était financé par la bulle spéculative, par les capital-risqueurs et par les entrées en bourse. Tout le monde comptait sur les revenus à venir de la publicité. Le problème, c’est que les budgets publicitaires n’ont pas augmenté aussi vite que l’audience.»

La culture de la gratuité totale, que certains croyaient inhérente au Net, paraît bel et bien condamnée. Il ne reste qu’à trouver les modèles économiques qui permettront une commercialisation de l’info. «Je crois beaucoup à la formule de l’abonnement, poursuit Bruno Giussani. On le voit dans le monde réel: plutôt que d’acheter une voiture, les consommateurs s’abonnent de plus en plus à des prestataires qui leur fournissent un véhicule clé en main. Ce modèle devrait aussi s’imposer sur le Net. Regardez du côté des éditeurs musicaux qui se sont associés pour faire barrage à Napster: c’est sans doute de là que viendra la nouvelle formule de paiement.»

De nombreux sites, notamment académiques, continueront à diffuser leurs infos gratuitement. «La fin de la gratuité n’est peut-être pas pour demain, mais pour après-demain», conclut Bruno Giussani, dont le premier livre, encore au stade de l’écriture, est déjà tadalafil proper dosage sur Amazon.com.