Que fait l’Union européenne face aux attentats qui endeuillent régulièrement le Pays basque? Rien. Est-ce normal? Non.
Les commentateurs politiques, comme les simples pékins, sont capables d’une grande discrétion dès qu’un problème paraît insoluble. Ainsi en va-t-il des spécialistes du Pays basque dont je me flatte de ne pas faire partie, tant ces querelles nationalistes finissent par lasser en raison de la répétitivité de leurs cycles (attentats, répression, attentats) ou de la vanité de leurs objectifs dans une société moderne.
Mais cela n’empêche pas de se poser des questions! Les élections du 13 mai dernier auraient dû marquer la victoire des partis«constitutionalistes» (conservateurs et socialistes). C’est du moins ce que laissa entendre l’intense campagne de propagande déclenchée avant le scrutin. Tout le monde annonçait la fin du règne des nationalistes conservateurs du PNV et l’arrivée au pouvoir des Madrilènes. La majorité absolue était à la portée de ces derniers, c’était quasiment dans la poche.
Le dimanche soir, la déception des partisans de Madrid fut à la hauteur de leur débâcle électorale. Hélas! Cette débâcle a été reléguée au second plan par la victoire de Berlusconi en Italie…
Favorisés par une participation supérieure de 10 % au dernier scrutin, ce sont les nationalistes conservateurs qui ont failli obtenir la majorité absolue au parlement grâce à un important report sur ses listes des voix nationalistes dites de gauche issues de la mouvance favorable à l’ETA.
Le Pays basque aujourd’hui se retrouve dans la même situation qu’avant le 13 mai, avec un PNV renforcé et des extrémistes partisans de la lutte armée sans doute décidés à faire entendre le crépitement de leurs armes au cours des mois à venir.
Comme impasse politique, on ne fait pas mieux. Les nationalistes ne pourront pas résorber la frange agressive et indépendantiste de leur électorat, Madrid ne pouvant pour sa part guère accorder plus d’autonomie sans mettre en cause les fondements mêmes de l’Etat espagnol.
Ce qui frappe dans ce contexte, c’est le silence de l’Europe. A Bruxelles comme dans les chancelleries des grands Etats européens, on ne cesse de souligner depuis quelques années la nécessité de mettre en place une politique étrangère et de défense communautaires. Mais on ne parle jamais d’interventions dans la politique intérieure.
Bruxelles a l’ingérence facile dans les Balkans, se permet de donner son avis sur l’évolution du conflit judéo-arabe, mais fait preuve d’un grand silence sur les crises graves qui peuvent toucher un ou plusieurs de ses membres.
Le cas basque est en cela exemplaire. Il concerne l’Espagne et la France. Le nationalisme basque n’est pas né avec la reprise de la lutte armée à la fin des années 1960. Il traverse l’histoire de la péninsule et fut l’un des fers de lance de la résistance anti-franquiste pendant et après la guerre civile. Il représente une constante de la politique européenne.
Face à une situation bloquée caractérisée par une violence récurrente, ne serait-il pas temps pour les organes dirigeants de l’Union européenne de sortir d’une neutralité stérile pour tenter de rapprocher les parties en conflit? En un premier temps, il paraît certain qu’une telle intervention provoquerait de vives réactions tant du côté espagnol que du côté basque, chacun ayant l’impression de voir sa souveraineté mise en question. Mais elle briserait un tabou: celui de la non intervention dans les affaires politiques des pays membres.
De plus, il n’est pas interdit de rêver, il serait peut-être même possible de créer un cadre nouveau pour résoudre ces conflits nationalistes sectoriels en inventant des solutions institutionnelles permettant de ménager la susceptibilité des Etats nations et celle de leurs franges centrifuges.
