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Jospin? Il récupère la taxe Tobin

La TV française est entrée en campagne présidentielle. Et Lionel est prêt à tout pour séduire les opposants à la mondialisation néolibérale.

Pour qui aime se brancher sur les médias français, les mois à venir seront rudes: impossible d’échapper à la campagne pour les élections présidentielles et législatives agendées au printemps prochain.

Je m’en suis rendu compte samedi dernier en lorgnant l’émission Tout le monde en parle de Thierry Ardisson. Soudain, entre deux vedettes du show-biz, le bon Jean Saint-Josse, patron du mouvement des chasseurs, est venu nous vanter les mérites de la ruralité sur l’air bien connu de «Aux armes paysans!»:

«Nous ne nous laisserons plus faire, déclarait-il suavement. Nous contrôlons 80% du territoire et nous sommes armés. Les citadins n’ont qu’à marcher droit…»

Saint-Josse sera candidat à la présidentielle comme une bonne douzaine d’autres personnages plus ou moins truculents, de Le Pen à Chevènement, d’Arlette Laguiller à Mégret. Chacun débitera ses convictions avec plus ou moins de bonheur mais sans la moindre chance de remporter la victoire. Certains téléspectateurs éprouveront de l’ennui face à ce défilé, pas moi. Ces grand’ messes démocratiques permettent de faire le point, de voir où en est la société, de saisir ce qui est tendance, de débusquer la pensée trash. C’est souvent fade et indigeste? Certes, mais la quotidienneté aussi est faite de fadeur et d’indigestions!

En matière de fadeur, il faut reconnaître que Jospin a fait fort la semaine dernière. Je n’ai trouvé personne qui ait suivi son entretien avec PPDA sur TF1 jusqu’au bout. Et ce n’est que par la presse écrite que j’ai appris qu’il remettait la taxe Tobin sur le métier. En précisant que c’était à l’Union européenne de décider de sa mise en œuvre.

Sacré Jospin! Lui qui n’a pas parlé une fois de l’Europe alors que l’an dernier la France présidait l’UE, lui qui ne fait jamais la moindre allusion au nécessaire dépassement des frontières nationales et républicaines, lui qui n’a jamais rien dit qui puisse déplaire à ceux qui pensent que charbonnier est maître dans sa maison, le voici qui voudrait carrément taxer les transactions financières pour aider les pays pauvres!

Même le professeur Tobin a failli faire une attaque! Les politiciens nous ont habitués en tous temps à tirer les ficelles les plus grosses pour pêcher des voix. Quand on les voit à l’œuvre, on se dit: «C’est pas possible! Personne ne marchera, c’est trop gros!» Et pourtant, cela marche. Parce que l’homme est crédule.

En se revendiquant de la taxe Tobin pour glaner les voix des opposants à la mondialisation dès le début de la campagne électorale, Jospin nous rend un double service. Il nous montre que désormais tous ses propos seront à prendre avec une pincette pour être déposés sous la loupe de l’analyse. Et il nous prouve que le mouvement opposé à la mondialisation néolibérale a pris une telle ampleur en un an ou deux qu’il devient déjà l’élément incontournable d’une campagne électorale. C’est réjouissant.