Dimanche soir, j’ai regardé Public sur TF1. L’émission s’annonçait comme le premier match télévisé des élections européennes: l’ouverture du placard parisien vers le grand air du continent. Résultat: un débat raté sur toute la ligne. En matière d’Europe, les deux rivaux, Nicolas Sarkozy et François Hollande, ont surtout parlé d’impôts (français), de chômage (français) et de taxe (française) sur la valeur ajoutée (de la France).
Michel Field a bien essayé de les interroger sur la guerre et sur l’Europe de la défense, mais rien n’y a fait: les deux têtes de liste ont continué, obstinément, à s’envoyer des pourcentages et des chiffres de politique intérieure. Avec, ici et là, quelques terribles moments d’humiliation pour François Hollande, comme ce formidable acte manqué: «Le projet européen a commencé avec la paix, et la paix, elle est là», a lâché le socialiste, brusquement effaré par l’énormité de son propos.
Son adversaire a préféré ne pas relever. Il attendait le moment judicieux pour asséner ses uppercuts favoris, tels que «en matière de mauvaise foi, on fait difficilement pire», «tout cela, c’est du blabla», ou mieux encore: «c’est un raisonnement d’énarque», sur le ton de l’insulte.
Hollande encaissait tant bien que mal. Mais quand Sarkozy s’est moqué des aides à l’emploi du gouvernement Jospin, de ces jeunes gens engagés en tant qu’«agents d’ambiance» dans l’administration, le socialiste semblait sérieusement gêné. Se sentait-il visé?
Sur le plan de la rhétorique, Sarkozy avait plusieurs longueurs d’avance: «C’est du fanatisme, vous taxez tout ce qui bouge: vous créez des impôts pour punir ceux qui réussissent!» A ces slogans expéditifs, François Hollande n’opposait qu’un discours complexe et confus, gorgé de formules comme «j’ai l’honneur de croire» et «j’ai la faiblesse de penser». Nul.
La tête de liste socialiste a évidemment tenté de se placer sous le patronnage de la nouvelle gauche européenne, en prononçant les noms de Blair et de Schröder comme des incantations. «Mais les programmes des socialistes allemands et anglais sont beaucoup plus modernes que les vôtres!», a rétorqué son adversaire, qui n’avait pas tort.
C’est à ce moment, pourtant, que François Hollande a réussi à relever la tête. Il a rappelé que les socialistes européens formaient un groupe parlementaire, et que son parti s’inscrivait dans une résonnance continentale, contrairement au RPR isolé de Nicolas Sarkozy.
Mais cet argument n’a pas vraiment fait mouche: le débat a très vite repris des dimensions hexagonales. Le petit sec et le gros mou savent bien que ce n’est pas avec des arguments européens que l’on gagne des élections européennes.