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Les athlètes noirs ne sont pas génétiquement supérieurs

Les clichés ont la vie dure. Alors que plusieurs recherches scientifiques ont démenti l’argument génétique, les commentateurs continuent à parler d’une prétendue «supériorité naturelle» des athlètes africains.

La suprématie des athlètes noirs dans les compétitions est connue. Dans les classements mondiaux du 3’000 et du 5’000 mètres par exemple, il faut descendre respectivement jusqu’au 24e et 25e rang pour trouver un coureur qui ne soit pas d’origine africaine. Comment expliquer une supériorité aussi écrasante?

L’argument génétique est souvent invoqué, par les commentateurs sportifs comme par le grand public. A tort. Une trentaine d’études scientifiques se sont penchées sur la question sans qu’aucun «avantage génétique» particulier ne puisse être crédité au compte des sportifs noirs.

C’est ce que rappelle un article passionnant paru dans le dernier numéro de la Revue suisse de médecine et de traumatologie du sport.

Ses auteurs, Francesca Sacco et Gérald Gremion, brisent quelques préjugés avec leur contribution intitulée «Le mythe de l’avantage génétique des sportifs africains». Soucieux de démystification, ils déplorent le fait que les études scientifiques relatives à ce sujet n’aient pas toujours été répercutées dans la presse.

Au contraire. Les commentateurs sportifs continuent à évoquer les aptitudes «naturelles» de tel athlète africain. Alors qu’ils parlent volontiers de la «volonté» ou de la «stratégie subtile» de ses concurrents blancs.

Ce sont donc des non-spécialistes – sportifs amateurs ou journalistes – qui confisquent encore aujourd’hui cette question délicate, relevant logiquement de la recherche scientifique.

«Les prédispositions sportives qu’on prête si facilement aux sportifs africains font poindre la jalousie et, disons-le franchement, le racisme», écrivent Francesca Sacco et Gérald Gremion.

Si, depuis les années 50, l’hypothèse génétique a creusé son sillon dans l’esprit du public, c’est qu’elle possède l’avantage de la simplicité. Le continent noir peut même être divisé en fonction des aptitudes sportives prétendument congénitales de sa population: «L’Afrique de l’Ouest pour le sprint, l’Afrique du Nord pour le demi-fond et le 5’000 mètres, l’Afrique de l’Est pour le 10’000 mètres et le marathon.» La théorie est séduisante, mais trompeuse.

Pourquoi, d’ailleurs, n’a-t-on jamais abordé le problème de la domination africaine sous l’angle féminin? On devrait alors constater que l’hypothèse génétique apporte des réponses insuffisantes à la «colonisation» des classement par les athlètes noirs.

Les deux médecins lausannois estiment que la question doit être appréhendée de manière pluridisciplinaire. Leur thèse environnementale et culturelle englobe un ensemble de facteurs: éducation, culture, entraînement, situation économique et environnement géographique.

L’apprentissage de la course à pied ressemble à celui des langues: on réussit d’autant mieux que l’on commence tôt. Or, un petit Keyan parcourt souvent des kilomètres pour se rendre à l’école, alors que les enfants occidentaux renâclent à marcher 500 mètres.

Comment expliquer, si ce n’est par une influence culturelle, le succès du tennis de table en Chine, du hockey sur gazon au Pakistan, du ski en Suisse? Au Kenya et en Ethiopie, sport signifie course à pied.

Si le type d’entraînement et le fait de vivre en altitude constituent d’autres facteurs explicatifs, celui qui joue un rôle crucial dans la motivation des athlètes est la situation économique. Selon Bruce Tulloh, coach britannique du marathonien Richard Nerurkar, «seul le développement économique du Kenya permettra aux Blancs de rivaliser avec les Africains de l’Est. Quand ceux-ci posséderont des voitures et des téléviseurs, ils seront à la portée des Blancs.»

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Francesca Sacco et Gérald Gremion, de l’Hôpital orthopédique de la Suisse romande, «Le mythe de l’”avantage génétique” des sportifs africains». Paru dans la Revue suisse de Médecine et de traumatologie du sport. 49(4). Accessible ici.

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Un article plus ancien, mais pas moins intéressant, aborde ce même sujet: «Racisme: la course d’obstacles. Les Noirs dominent l’athlétisme britannique. Preuve d’une victoire sur le racisme, disent certains. A voir, répondent le sociologue Ben Carrington et le sprinter Julian Golding».

A lire sur le site de l’Unesco.