«Nous observons une demande croissante pour les scooters électriques sans permis, c’est le compromis parfait pour traverser la ville. Ces véhicules combinent les avantages d’un vélo – accès aux pistes cyclables, facilité de stationnement – et le confort et la sécurité d’un scooter», explique Stéphane Gallucci, responsable de Rock and Road, concessionnaire de motos et scooters à Genève. Pour lui, ce sont bien les scooters sans permis qui connaissent le plus de succès actuellement.
Recharger son scooter comme on recharge son téléphone
Avec un prix aux alentours de 2’000 francs, ces scooters bridés à 25 km/h sont accessibles dès 16 ans sans permis et même 14 ans avec un permis théorique (catégorie M). Les modèles limités à 45 km/h viennent remplacer les scooters thermiques et leurs fameuses plaques jaunes. Les modèles de catégories supérieures, pour lesquels un permis A1 est obligatoire, peuvent atteindre 130 km/h. «Pour les modèles nécessitant un permis, on observe la même tendance que pour les voitures électriques. Il y a eu une forte progression jusqu’en 2023, puis le marché s’est stabilisé, observe Cyrille Colliard, directeur de Mobygo, magasin spécialisé dans les deux-roues électriques à Lausanne. Ce sont vraiment les e-scooters sans permis qui connaissent le plus de succès actuellement.»
Les batteries d’e-scooters offrent une autonomie d’une centaine de kilomètres pour un temps de recharge allant de 3 à 5 heures. «Il est inutile d’attendre que la batterie soit presque déchargée avant de la brancher. Il vaut mieux effectuer de petites recharges tous les jours, au travail ou en rentrant à la maison, poursuit Cyrille Colliard. Pour prolonger leur durée de vie, il faut éviter de les charger au froid. Il faut aussi veiller à les brancher régulièrement, même si on ne roule pas, afin de ne pas les laisser se vider complètement. Même à l’arrêt, les batteries se déchargent.»
Côté prix, les scooters électriques capables d’atteindre 130 km/h sont plus chers que leurs équivalents à essence: il faut compter entre 8’000 et 9’000 francs pour les modèles les plus performants, contre 3’000 à 6’000 francs pour un scooter thermique 125 cm³ neuf. La propulsion électrique est cependant la plus rentable à long terme. «On économise sur le plein et sur l’entretien des moteurs électriques, souvent moins onéreux que celui d’un moteur thermique», remarque Stéphane Gallucci, responsable du concessionnaire Rock and Road.
Diversification de la mobilité
Qu’ils soient bridés ou non, ces véhicules ne sont pas conçus pour rouler vite. La tendance en zone urbaine est plutôt favorable aux petites motorisations. De plus en plus de villes en Suisse limitent la circulation à 30 km/h. Même si l’ordonnance portée par le conseiller fédéral Albert Rösti pourrait freiner la création de nouvelles zones 30, la tendance vers une mobilité plus douce se confirme. À Lausanne, par exemple, la municipalité s’est fixé comme objectif d’atteindre zéro émission de gaz à effet de serre liée à la mobilité d’ici 2030. Selon le TCS, les scooters électriques peuvent jouer un rôle dans la diversification de la mobilité. «Les e-scooters sont conçus pour les trajets courts, y compris à la campagne. Ils conviennent pour le “dernier kilomètre”. En zone rurale, où l’offre en transports publics est moins dense, le scooter électrique est un bon moyen de rallier son domicile à la gare la plus proche», observe Laurent Pignot, porte-parole du TCS.
Plus sûr et plus rapide qu’une trottinette
Depuis le 1ᵉʳ juillet 2025, les cyclomoteurs légers peuvent désormais rouler jusqu’à 25 km/h – sauf la trottinette électrique, toujours limitée à 20 km/h. Pour Stéphane Gallucci, responsable du concessionnaire genevois Rock and Road, et Cyrille Colliard, directeur de Mobygo, cela donne un réel avantage aux scooters. «Ils vont désormais plus vite que les trottinettes tout en offrant plus de sécurité.»
Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans la Tribune de Genève et le «24 heures».
Historiquement, les troubles du sommeil se retrouvent chez les catégories plus âgées de la population, en particulier chez les femmes. La faute revient notamment à la ménopause et à l’augmentation des risques de maladies avec l’âge, au niveau respiratoire, ou encore à cause d’une dépression, par exemple. Toutefois, l’Office fédéral de la statistique (OFS), dans sa dernière Enquête sur la santé, note un phénomène nouveau: l’augmentation des troubles pathologiques chez les femmes entre 15 et 39 ans dépasse celle observée chez les femmes de plus de 40 ans. Passant de 6% à 9,5% entre 1997 et 2022 pour les plus jeunes, tandis que chez les femmes de plus de 40 ans ce taux est passé de 8 à 10% sur la même période.
Ces troubles pathologiques, qui se définissent par un sommeil agité et plusieurs réveils par nuit, sont problématiques. Ils s’accompagnent d’un risque accru de maladies cardiovasculaires et d’effets néfastes sur la santé psychique. «Il faut néanmoins noter qu’il est parfois difficile de démêler les causes des conséquences, puisque celles-ci ont tendance à s’alimenter mutuellement», selon Virginie Bayon, médecin-cadre au Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil du CHUV.
Écrans coupables
Pour la spécialiste, cette hausse chez les jeunes femmes dans toute la Suisse vient confirmer son observation de terrain. «Le principal problème, c’est l’exposition aux écrans. Les médias et les réseaux sociaux empiètent beaucoup sur le temps de sommeil.» Selon l’OFS, les personnes passant plus de deux heures par jour devant la télévision ou des vidéos, sur les réseaux sociaux ou encore sur leur ordinateur, smartphone ou tablette pour d’autres usages souffrent davantage de troubles de sommeil modérés et pathologiques. La prévalence peut être jusqu’à huit points de pourcentage plus élevée chez cette population que chez celle limitant à deux heures son utilisation d’écrans.
Autre explication possible selon la spécialiste du sommeil des enfants et des jeunes: le stress et l’anxiété. «Même si un biais de déclaration ne peut être exclu, les hommes rapportent moins de tristesse et d’anhédonie, c’est-à-dire de perte de la capacité à ressentir le plaisir, que les femmes.» Une puberté plus précoce chez les adolescentes pourrait jouer un rôle en ce sens. Virginie Bayon pointe également du doigt la pression académique, les attentes culturelles, le poids de l’apparence physique et la nécessité de performer, autant d’éléments qui pèsent davantage sur les épaules des jeunes femmes.
Rétablir l’équilibre
L’association entre le manque de sommeil et les problèmes de santé mentale est connue depuis longtemps. Toutefois, l’écran ajoute de la complexité à cette dynamique. «Certain-es jeunes utilisent ces supports pour calmer leur angoisse, explique la doctoresse. Or, on sait que la lumière bleue qu’ils émettent impacte beaucoup l’horloge biologique.» Et qui dit écrans avant d’aller au lit, dit possible perturbation du sommeil, et qui dit insomnie dit angoisse, et donc recours aux écrans, et ainsi de suite.
«Chez les jeunes femmes, comme chez tous les jeunes d’ailleurs, un des premiers conseils pour améliorer le sommeil consiste à stopper les écrans une à deux heures avant le coucher.» Un travail sur l’hygiène de vie globale doit aussi être mené. «Le niveau d’activité physique, l’alimentation choisie, ou encore la consommation de boissons stimulantes, alcoolisées ainsi que de tabac ou de cannabis sont passés en revue de façon à rétablir l’équilibre.» Un travail qui ne peut être fait qu’avec la coopération des patientes, quel que soit leur âge.
Les Suisses travaillent de moins en moins, et alors?
Même dans un pays où la population a refusé de s’accorder 6 semaines de vacances en votation, l’importance du travail dans la vie des citoyens tend à s’éroder. En 2024, être employé à taux plein en Suisse signifiait passer 40h04 sur son lieu de travail, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS). C’est 50 minutes de moins qu’en 2019. C’est aussi presque 5 à 10 heures de moins que la limite légale, toujours fixée à 45 heures par semaine pour les emplois dans l’industrie et les services, et même à 50 heures dans l’agriculture et les soins médicaux.
Les Suisses restent en tête du classement européen pour la durée hebdomadaire la plus longue à plein temps mais «le temps de travail effectif suit une tendance baissière depuis plusieurs décennies déjà, constate Cédric Tille, professeur d’économie au Geneva Graduate Institute. C’est une évolution lente mais continue.» Une évolution rendue possible par une hausse très prononcée de la productivité, surtout dans l’industrie. «Dans le secteur secondaire, on peut produire avec moins de main-d’œuvre. La productivité augmente davantage que dans les services. Mécaniquement, la population s’oriente alors vers les services et les emplois se tertiarisent massivement. On observe cette tendance dans tous les pays développés.» L’industrie chimique et pharmaceutique jouent un rôle prépondérant dans la hausse de la productivité de l’économie suisse, et sur les salaires. Ces gains de productivité ont permis aux entreprises d’augmenter leur rentabilité. En période de tension sur le marché du travail, certaines choisissent de valoriser ces gains en offrant des horaires de plus en plus souples.
En effet, l’économie a toujours besoin d’une force de travail abondante. La pénurie de main d’œuvre de 2022 et 2023 s’est partiellement résorbée en 2024, mais à moyen terme, la demande des employeurs surpassera largement l’offre du marché du travail. L’économie suisse pourrait faire face à un manque de 400’000 travailleurs d’ici 2035, selon une étude de la Banque nationale suisse parue en avril 2025. «Dans ce contexte, beaucoup d’entreprises cherchent à soigner leur attractivité. C’est notamment le cas dans les industries de pointe. La flexibilisation du temps de travail constitue un bon argument de recrutement», confirme Nicky Le Feuvre, professeure en sociologie du travail à l’Université de Lausanne.
Diminution choisie, non subie
L’augmentation continue de la productivité, et des salaires réels ces dernières décennies, constitue également un facteur décisif sur le plan macroéconomique. La réduction de la durée de travail générale ayant évolué en parallèle d’une hausse du produit intérieur brut, la productivité de l’économie suisse s’est globalement améliorée, ouvrant la voie à une réduction du temps de travail sans renoncement matériel majeur.
Pour Cédric Tille, cette évolution n’a rien d’inquiétant: «Il s’agit d’une baisse d’activité choisie et non subie.» Selon le professeur, le phénomène s’explique notamment par l’évolution de la consommation: «Plus la productivité augmente, plus nous avons les moyens de consommer. Aujourd’hui, les salariés se tournent volontiers vers des loisirs plutôt que vers une nouvelle voiture.» Cette «consommation temporelle» n’échappe pas à la logique économique. Les loisirs, les activités culturelles ou sportives génèrent eux aussi de la valeur. «Il s’agit donc d’une forme de consommation économique mais non marchande.»
En somme, cette réorganisation du temps productif est sans doute le fruit d’une aspiration collective à garder davantage de temps pour soi, mais qui se manifeste de manière progressive, et non disruptive. L’emploi conserve une place centrale dans la société suisse, mais il n’est plus l’unique repère autour duquel la vie des citoyens s’articule. «Si les gens choisissent de consommer plus de loisirs, où est le problème? Ce n’est pas une perte pour l’économie, mais un signe que les priorités ont changé», observe Cédric Tille. Pour l’économiste, cette baisse de la durée de travail ne constitue pas non plus une menace pour la compétitivité du pays. «La Suisse est une économie largement exportatrice. Si ses habitants consomment un peu moins de biens et de services, cela n’a qu’un effet marginal sur la croissance. La baisse du temps de travail entraîne certes une baisse des cotisations pour les assurances sociales, mais les bénéfices sociaux pourraient être notables: moins de surmenage, moins de burnout, et peut-être une baisse des coûts liés à la santé.»
Le rôle du temps partiel féminin
Mais les Suisses sont aussi champions des taux d’activité réduits. Selon l’OFS, la part des employés à temps partiel a augmenté de plus de 13 points depuis 1991, pour atteindre près de 39% des personnes en emploi en 2024. Conséquence: les Suisses – tous taux d’activité confondus – travaillent en moyenne 35 heures et 17 minutes par semaine, soit 15 minutes de moins que la moyenne européenne. En somme, les contrats à plein temps sont plus exigeants que dans les pays voisins, mais la population opte aussi plus souvent pour des taux d’activité réduits. En outre, ce mode de travail est surtout adopté par les femmes, et plus encore par les mères, ce qui atteste de son lien toujours très marqué avec le modèle familial traditionnel. En 2024, seuls 41% des femmes travaillaient à plein temps contre 79% chez les hommes. «Certes, le recours au temps partiel progresse aussi chez les hommes, mais cette diminution de leur taux d’activité intervient surtout en fin de carrière», explique Nicky Le Feuvre. Dans les secteurs bancaires ou industriels, beaucoup de cadres préfèrent aujourd’hui réduire leur taux à partir de 60 ans, plutôt que de partir en retraite anticipée. «L’essor du travail à temps partiel chez les hommes ne s’explique pas, comme on l’entend parfois, par une participation accrue à la vie de famille.»
Les crèches hors de prix, la durée relativement courte de la journée scolaire et la fiscalité peu incitative pour le deuxième revenu créent des obstacles structurels à l’emploi des femmes, selon la chercheuse. «Dans de nombreux couples, le second salaire perd en rentabilité fiscale dès qu’il fait passer le ménage dans une tranche d’imposition plus élevée. Résultat: les femmes sont les premières à adapter leur activité, pour des raisons historiques et sociales.» Cette configuration socio-économique se reflète même dans les offres d’emploi. «La majorité des postes à pourvoir dans les domaines professionnels majoritairement féminins, comme l’éducation et le travail social, sont proposés à temps partiel, à des taux très variables.»
Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans PME Magazine.
«Le sommeil fait l’objet d’une attention accrue depuis le début de la pandémie de Covid-19. On observe un changement radical dans la priorité que nous y accordons, ainsi qu’au bien-être», résumait la spécialiste du sommeil Rebecca Robbins dans un article publié en 2021 à propos de l’essor du «sleep tourism», ou tourisme du sommeil.
Alors que les troubles du sommeil sont devenus un enjeu de santé publique majeur en Suisse – près de 40% de la population peinait à s’endormir ou souffrait d’insomnies en 2022, selon l’Observatoire suisse de la santé –, ils représentent aussi un business lucratif pour les entreprises qui répondent au besoin grandissant de mieux dormir. Objets high-tech, boissons énergisantes, literie écoconçue ou séjours dédiés au repos, l’économie mondiale du sommeil devrait atteindre plus de 705 milliards de dollars d’ici à 2031 (+62% par rapport à 2024), selon la société de conseil QY Research.
Traiter les troubles nocturnes
Le marché de la «sleeptech» devrait enregistrer un taux de croissance annuel composé de 18,5% d’ici à 2034. C’est ce que révèle le dernier rapport du cabinet Global Market Insights paru en septembre 2025. Conçus dans des buts divers, qui vont de l’amélioration du sommeil au suivi de troubles aigus et chroniques, la plupart des applications, montres et bracelets connectés développés au sein de l’industrie échappent à une validation scientifique qui en garantit l’efficacité. Certaines start-up s’inscrivent toutefois dans un champ strictement médical, comme Aesyra.
En décembre 2023, ce spin-off de l’EPFL a levé 3 millions de francs pour ses gouttières dentaires intelligentes, auxquelles elle a intégré la technologie biofeedback. «L’idée a consisté à transplanter cette technologie, dont l’efficacité a été démontrée dans la littérature scientifique, dans un dispositif aujourd’hui très répandu, afin de traiter le bruxisme nocturne (grincement des dents durant la nuit, ndlr) et l’apnée du sommeil. Dans le cas du bruxisme, la gouttière envoie des stimuli qui permettent de relâcher les muscles faciaux et de stopper l’épisode. Cette même technologie amène le patient à libérer les voies respiratoires ou à ajuster la position du corps lors d’apnées du sommeil, sans le réveiller», détaille Pietro Maoddi, cofondateur d’Aesyra aux côtés de Marco Letizia.
Les gouttières monitorent la fréquence de ces troubles, qui touchent respectivement environ 15% et 3% des Suisses. «Ces informations permettent d’établir d’éventuels liens entre certaines habitudes, telles que la consommation d’alcool ou la pratique d’un sport, et l’augmentation des épisodes. L’objectif consiste à éviter les comportements qui favorisent le trouble.» La commercialisation de la gouttière contre le bruxisme est prévue pour début 2026 aux Etats-Unis et d’ici à fin 2026 en Suisse et en Europe, celle contre l’apnée du sommeil pour 2027.
Masquer le manque de sommeil
Complémentaires au marché visant à améliorer la qualité du sommeil, les offres destinées à camoufler les marques ou les symptômes de fatigue sont aussi en plein essor. L’industrie des cosmétiques «anti-fatigue» devrait ainsi atteindre 28 milliards en 2033 (+56% par rapport à 2023). D’autres solutions beaucoup plus controversées, comme les injections de vitamines, commencent par ailleurs à fleurir, notamment à Lausanne, à Genève et à Gstaad.
La consommation de boissons énergisantes a quant à elle connu une hausse de 25% entre 2018 et 2025. Depuis dix ans, l’importation de maté a presque triplé en Suisse. A Zurich, les ventes de cette infusion riche en caféine ont même dépassé celles de Red Bull au profit de la marque lucernoise El Tony. En Suisse romande, les entreprises genevoise Brio Maté et neuchâteloise Mateo se sont aussi lancées dans la commercialisation de la boisson énergisante depuis 2018 et 2022. Dans un article paru en 2025, le cofondateur de Brio Maté Jeremy Girard révélait avoir multiplié son chiffre d’affaires par dix ces cinq dernières années.
Une literie durable
Avec 19 boutiques en Suisse et à l’international, Elite Beds vend jusqu’à 6000 lits par an – dont 20% à l’export – pour un chiffre d’affaires estimé à 20 millions pour 2025. «Depuis une dizaine d’années, la recherche de confort et de qualité intervient déjà vers la trentaine plutôt qu’à partir de la cinquantaine, constate François Pugliese, CEO de l’entreprise vaudoise depuis 2006. Nos modes de vie toujours plus sédentaires y sont sûrement pour quelque chose.»
Outre un intérêt croissant pour des oreillers et matelas intelligents, le marché mondial de la literie enregistre un engouement pour les produits écologiques et durables. Une tendance à laquelle répond la PME de 110 employés. Certifiée Ecolabel européen depuis 2011, Elite Beds collabore régulièrement avec des hautes écoles et des centres de recherche suisses afin de rester dans la course de l’innovation. Après avoir créé un ressort en bois local avec la Haute Ecole spécialisée bernoise en 2016, elle développe actuellement un ressort en matériaux biosourcés avec la HEIG-VD. «La faible empreinte carbone de ces matériaux réduit considérablement l’impact environnemental des produits – un point que notre clientèle chérit particulièrement.»
Voyager pour se reposer
Depuis quelques années, un nombre croissant d’hôtels placent le sommeil et le bien-être au centre de leurs offres, s’inscrivant ainsi dans le marché du «sleep tourism». Au Beau-Rivage Palace de Lausanne, par exemple, la Suite Spa comprend un «FreshBed scientifiquement développé» pour garantir un sommeil profond et réparateur. «En principe, l’amélioration du sommeil n’est pas la seule cible de la large palette de services à disposition, mais plutôt un des effets recherchés parmi d’autres, avec une approche orientée vers le bien-être holistique», indique Véronique Kanel, porte-parole de Suisse Tourisme.
Bien que la tendance concerne davantage le secteur du luxe, des établissements de milieu de gamme commencent à investir ce créneau. Depuis 2023, l’hôtel Maistra 160, à Pontresina (GR), propose par exemple des retraites de quatre ou cinq nuits «pour un mode de vie sain et holistique» (budget: entre 1500 et 2500 francs). Fondé à Haute-Nendaz en 2024, le MAD Retreat a quant à lui développé des retraites à thème à partir de 1500 francs les trois nuits.
Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans PME Magazine.
C’est un regard méfiant, voire apeuré, qui se pose sur la médecin quand elle entre dans la chambre d’hôpital et qu’elle ne ressemble pas à ce que l’on s’était imaginé. Concrètement, on assiste par exemple à une remise en question des compétences de la personne chargée de prodiguer des soins, des remarques de sa hiérarchie sur sa maîtrise de la langue française, ou, plus grave, un refus net de se faire soigner de la part de patient-es. Les équipes médicales ne sont pas épargnées par les discriminations raciales, qu’elles émanent de patient-es, de visiteurs, visiteuses ou même de collègues. «Lorsque l’on dénonce des discriminations raciales dans les soins, notre premier réflexe est de penser aux patient-es. On a beaucoup parlé du syndrome méditerranéen récemment, soit un biais qui consiste à penser que certaines populations exagèrent la douleur», confirme Patrick Bodenmann, chef du Département vulnérabilités et médecine sociale à Unisanté, et cocréateur d’un enseignement sur le racisme dans la pratique médicale. «Malheureusement, le personnel médical est lui aussi confronté au racisme. Des collègues ont, par exemple, vu leur statut de médecin remis en question du simple fait qu’ils étaient racisés», poursuit le médecin, évoquant un «tabou» autour de ces discriminations. Dans un environnement surchargé comme l’est un hôpital, avec des urgences quotidiennes, un personnel sous tension et manquant de temps pour se lancer dans des démarches administratives, il est facile de ne pas s’attarder sur une remarque ou un comportement irrespectueux. Pourtant, les répercussions sur le long terme de ce «racisme ordinaire» sont, elles, bien réelles.
Données absentes, conséquences présentes
Kevin Dzi est doctorant à l’Institut des humanités en médecine (IHM) et travaille depuis 2022 sur les discriminations au sein du système de santé, dont le racisme vécu par le personnel médico-soignant qui regroupe les équipes infirmières, aides-soignantes et les médecins. Une étude encore pauvre en Suisse. «Les statistiques dont nous disposons sur le sujet proviennent majoritairement de recherches américaines et anglaises. Les études en Europe sont quasi inexistantes. En Suisse, par exemple, il n’est pas autorisé de collecter des informations ethno-raciales, contrairement aux États-Unis, ce qui complique les recherches sur ce sujet», pointe le doctorant qui déplore la croyance, encore tenace dans la société, d’un racisme inexistant dans nos contrées. Une enquête menée auprès de 800 médecins américain-es nous apprend ainsi qu’au cours des cinq dernières années, 59% des médecins ont entendu des déclarations irrespectueuses concernant un trait de caractère, principalement la couleur de peau, le sexe, l’âge ou l’origine ethnique. Les médecins noirs et les médecins américains d’origine asiatique sont les plus susceptibles de déclarer avoir entendu des remarques tendancieuses de la part de patient-es. Les infirmier-ères, davantage en contact avec les patient-es, sont en première ligne (violences, insultes, humiliations, agressions sexuelles), puis viennent les médecins (genre, nationalité, couleur de peau).
Arrivée en Suisse en 1982 de République démocratique du Congo pour suivre des études d’infirmière au CHUV, Chantal Ngarambe Buffat se souvient de remarques lancées à la volée par sa hiérarchie: «Tu as l’air lente, mais tu finis toujours à l’heure», des rapports examinés avec plus d’attention que ceux rendus par ses collègues, ou d’un patient affirmant «qu’elle n’est pas comme les autres Noirs». «Notre différence est visible; nous sommes, dès lors, plus scrutés que les autres. Nous devons faire preuve de plus d’énergie pour montrer que nous avons notre place», témoigne l’infirmière, qui officie aujourd’hui au Département santé, travail et environnement (DSTE) d’Unisanté.
Les conséquences de ces agressions quotidiennes sont importantes: perte de motivation, faible estime de soi, manque de concentration, absentéisme, burn-out, incidence sur la relation de soins. Sur le plan physique, Yaotcha d’Almeida, psychologue et autrice du livre Impact des microagressions et de la discrimination raciale sur la santé mentale des personnes racisées1, rappelle que le stress engendré par le racisme a également des conséquences sur le plan physique, sous la forme de maladies cardiovasculaires, d’ulcères, d’hypertension ou de maladies inflammatoires. «À la fin de la journée, il ne faut pas oublier que ce sont les patient-es aussi qui en font les frais. Une concentration défaillante peut avoir des répercussions malheureuses sur la prise en charge médicale», insiste Kevin Dzi.
Assurer un lieu de travail sain
Pourtant, encore trop peu de plaintes et de doléances sont déposées au sein de l’hôpital, et ce, malgré la présence de situations racistes, pointe le récent travail de master d’étudiantes en médecine2 de la FBM-UNIL. «Il est essentiel que le personnel médical n’ait pas peur de témoigner. Le tabou est encore fort parce qu’on craint pour sa place de travail ou parce qu’on ne veut pas être vu comme un trouble-fête», constate Kevin Dzi. Sans compter que dans l’imaginaire collectif, les professionnel-les de la santé doivent faire preuve de résilience face aux situations difficiles. «Un hôpital doit proposer des canaux de signalement neutres et anonymes, où les professionnel-les se sentent libres de témoigner en toute sécurité», selon le chercheur.
«La discrimination raciale en soi est rarement un motif de consultation médicale. Les personnes consultent en raison d’une atteinte à la santé (psychologique, notamment) en lien avec des facteurs professionnels, parmi lesquels peuvent être rapportés par les personnes qui consultent des éléments de discrimination raciale», indique pour sa part Catherine Lazor-Blanchet, cheffe de l’Unité de médecine du personnel du CHUV. Outre un accompagnement d’ordre médical en cas d’atteinte à la santé, la médecine du personnel considère les discriminations raciales comme toute autre allégation menaçant l’intégrité personnelle sur le lieu de travail (comportements problématiques et abusifs) et citant des références institutionnelles sur le respect à l’autre et la prise en charge de situations de discrimination et/ou harcèlement.
LE CHIFFRE
23% des personnes employées dans un hôpital et interrogées ont subi au moins une forme de discrimination ou de violence au travail au cours de l’année écoulée (contre 18% de la population active en général.)
La formation du personnel soignant à ces questions, mais également celle du public, est une donnée essentielle pour combattre le racisme, insistent les spécialistes interviewé-es. La solidarité entre pairs et le soutien de la hiérarchie, aussi. Que faire lorsqu’une personne refuse de se faire manipuler par un-e collègue en raison de son origine ethnique par exemple? Doit-on accepter de changer de soignant-e ou l’inviter à se faire prendre en charge dans une autre institution? «L’hôpital doit se montrer intransigeant face à ces situations et garantir de bonnes conditions de travail en général pour améliorer le bien-être de ses collaboratrices et collaborateurs, estime le doctorant Kevin Dzi. Moins de stress signifie aussi de meilleures relations entre collègues et, in fine, un impact positif sur les soins.» Et Chantal Ngarambe Buffat de rappeler: «L’institution doit être une référence en la matière et un espace qui donne la place aux différents parcours de vie. Sans nous, l’hôpital tourne difficilement.»
«Dans les années 1970, alors que le débat autour de l’initiative Schwarzenbach occupe tout l’espace et qu’une pénurie de main-d’œuvre étrangère guette dans la restauration, l’industrie helvétique introduit les machines à café entièrement automatiques, grâce au savoir-faire de ses ingénieurs et à ses ressources financières.» Chahan Yeretzian, chimiste et spécialiste en café à l’Université des sciences appliquées de Zurich, résume ainsi comment les appareils d’Egro, de Schaerer ou de Rex, par exemple, connaissent un succès rapide d’abord en Suisse, puis dans le reste de l’Europe et, à partir des années 1990, aux Etats-Unis. Un cluster naît alors le long de l’axe ferroviaire Berne-Zurich et ses environs. On y rivalise pour améliorer les paramètres des appareils «super-automatiques»: dosage du café, intégration du moulin, solidité des matériaux, etc. Le but: que n’importe quel serveur parvienne à préparer rapidement les boissons, avec des résultats millimétrés. Cinquante ans plus tard, un grand nombre de ces entreprises existent encore. «Elles réalisent environ 70% des ventes de machines à café entièrement automatiques dans le monde», estime l’expert, et continuent de réussir à se démarquer de la concurrence, notamment asiatique.
Plusieurs de ces PME suisses historiques attirent les convoitises à partir des années 2010, en raison de ce savoir-faire et de leur clientèle professionnelle déjà variée (hôpitaux, chaînes de restauration rapide, hôtellerie, etc.). Des sociétés comme Egro, Schaerer et Cafina appartiennent ainsi aujourd’hui à la multinationale de la restauration américaine Ali Group, au géant français spécialisé dans les équipements de cuisine SEB ou à l’allemand Melitta, acteur majeur et bien connu du marché.
Dernier grand rachat en date: celui d’Eversys en 2021 par le groupe italien De’Longhi. Cette entreprise, créée à Sierre en 2009 par l’ingénieur Jean-Paul In-Albon, s’était fixé un défi. «Le fondateur de la société souhaitait que l’expresso issu d’une machine super-automatique «à la suisse» égale les saveurs du café réalisé avec des machines traditionnelles «à l’italienne», explique Anaëlle Perdrix, assistante du CEO. Pour cela, il a notamment mis au point un système d’extraction du café par le haut. Nos clients, tous professionnels, peuvent produire jusqu’à 700 shots à l’heure d’expresso de qualité sur notre plus grosse machine.» Pari réussi: la start-up a connu un développement fulgurant entre 2013 et 2023, grâce notamment à son client le plus connu: la chaîne américaine Starbucks. Le nombre de machines produites chaque année dans l’usine valaisanne est passé de 233 à 9752. Quant à la main-d’œuvre, elle a évolué de 26 collaborateurs à plus de 400 répartis entre la Suisse, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, Dubaï, Shanghai et Singapour.
Une poignée de PME indépendantes
Certaines PME suisses continuent toutefois à faire le choix de l’indépendance, comme Thermoplan, Rex-Royal ou Jura. «Nous ne bénéficions pas des mêmes ressources financières que les entreprises intégrées à des multinationales, explique Philipp Zindel, responsable vente et marketing de Rex-Royal. Mais cette indépendance nous permet de réagir rapidement aux évolutions du marché.» La société fondée en 1937 emploie 120 collaborateurs, dont 80% sur son site de Dällikon (ZH). «La moitié de nos employés sont actifs dans la production des machines, 10% dans le développement, 20% dans la vente et 20% au service technique.» La PME cible les entreprises Horeca (acronyme pour hôtellerie, restauration et cafés), commerces de proximité, bureaux, institutions, hôpitaux ou encore exploitants ferroviaires. Dans ce dernier domaine, elle tire son épingle du jeu avec des modèles spécifiques, dotés par exemple de protections antichocs et anti-vibrations. Elle a ainsi récemment équipé le nouveau GoldenPass entre Montreux et l’Oberland bernois, l’ICE 3neo de la Deutsche Bahn ou encore l’Etihad Rail aux Emirats arabes unis.
De son côté, le fabricant Jura a opéré un virage stratégique majeur dans les années 1990 afin de pouvoir rester indépendant. Il a abandonné les divers équipements électroménagers qu’il produisait pour se concentrer sur les machines à café automatiques à destination des particuliers. Il s’est aussi internationalisé (grâce notamment à la notoriété de son célèbre ambassadeur Roger Federer) pour atteindre 5000 points de vente dans une cinquantaine de pays. «La Suisse ne représente plus que 7 à 8% de notre chiffre d’affaires (658,3 millions de francs en 2023, ndlr), explique le directeur, Emanuel Probst. Nos plus grands marchés sont désormais l’Allemagne et l’Amérique du Nord où nous faisons plus de 100 millions de francs de ventes annuelles, puis viennent d’autres Etats européens comme les Pays-Bas, la Belgique, la France, la Pologne ou encore l’Afrique du Sud et l’Australie.» Avec ce changement de modèle d’affaires, l’entreprise soleuroise est devenue «une sorte d’Apple de la machine à café», sourit le CEO. «A notre siège de Niederbuchsiten (SO), près de 300 collaborateurs sont actifs dans la R&D, le marketing, les ventes, mais aussi le contrôle qualité de nos machines. Nous travaillons ensuite avec des partenaires de production. Une partie des pièces de nos 460 000 unités vendues annuellement sont réalisées en Suisse, notamment les moulins à café qui sont très importants pour la qualité du produit, mais aussi au Portugal et en Malaisie.»
Innovation et développement durable
Plusieurs PME du secteur font face à un recul de leurs ventes actuellement. Jura a connu des années fastes en raison de la pandémie car les personnes en télétravail souhaitaient s’équiper de machines premium à la maison, mais aussi grâce à la tendance durable, la marque s’érigeant en alternative aux capsules. Puis, son chiffre d’affaires a stagné entre 2022 et 2024, freiné notamment par la conjoncture allemande. Des fabricants professionnels ont également profité d’une hausse importante des investissements réalisés au sortir de l’épidémie, avant d’observer une baisse des commandes.
Chez Eversys, le nombre de collaborateurs a baissé de 9% en 2024, la production de machines a diminué de 28% et le chiffre d’affaires a reculé à 109 millions de francs (-19%), a révélé Le Nouvelliste. «L’évolution des coûts dans la restauration a renforcé la demande pour des machines d’entrée de gamme, où la concurrence avec les fabricants chinois est plus forte», souligne aussi Rex-Royal.
Pour faire face à ces acteurs chinois, les entreprises suisses doivent se démarquer. Elles mettent en avant leurs engagements en matière de développement durable. Le responsable marketing de Rex-Royal cite la production en Suisse «avec une précision artisanale», la recherche de matériaux recyclables, la solidité des machines (faites à 75% d’acier inoxydable), l’efficience énergétique des usines ou encore l’attention aux collaborateurs dans une PME familiale. Chez Jura, on insiste sur la durée de vie des appareils: «Selon plusieurs classements européens, notre durée de longévité est de plus de 9 ans, contre une moyenne de 6 ans pour les autres marques.»
Les entreprises cherchent aussi à conserver un coup d’avance grâce à leurs équipes de recherche et développement. Avec sa cinquantaine d’ingénieurs en Suisse, Jura développe des solutions aussi bien mécaniques que numériques, tout comme Rex-Royal, qui met au point des solutions cloud de télémétrie (analyse des données). L’objectif consiste à réagir rapidement aux souhaits de la clientèle privée comme professionnelle. Le producteur zurichois cite par exemple l’adaptation à la tendance des laits végétaux.
À savoir
Dès les années 1970
Alors qu’une pénurie de main-d’œuvre menace la restauration, l’industrie helvétique introduit les machines à café automatiques.
Le choix de l’indépendance
Un certain nombre de ces PME ont été rachetées. D’autres, telles que Thermoplan, Rex-Royal ou Jura, restent indépendantes.
Recul des ventes
La hausse des coûts accroît la demande pour des machines d’entrée de gamme, intensifiant la concurrence avec les fabricants chinois.
Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans PME Magazine.
De plus en plus d’étrangers à la tête des entreprises suisses
Le nombre d’étrangers à la tête des entreprises suisses atteint un niveau historiquement inégalé: près d’un dirigeant sur deux (49%) n’est pas de nationalité suisse. Cette proportion grimpe même à 63% lorsqu’on se concentre uniquement sur les nominations intervenues en 2024, selon les données de l’édition 2025 du rapport Schilling, qui analyse depuis 2006 la composition des directions et conseils des 100 plus grandes entreprises suisses.
Une tendance qui se constate de manière particulièrement spectaculaire au sommet de l’économie: dans les cinq premières entreprises cotées au SMI, pas un seul PDG ou président de conseil d’administration ne possède le passeport à croix blanche. Nestlé, Roche, Novartis, Zurich Assurance et Richemont sont autant de multinationales dont le siège est en Suisse, mais qui sont administrées par des expatriés.
Pays attractif
Ce phénomène, très spécifique à la Suisse, varie notamment en fonction de la taille des entreprises. «Il faut distinguer les grandes structures, principalement tournées vers les marchés internationaux, et les sociétés de plus petite taille, davantage centrées sur le marché national. Dans cette seconde catégorie, les personnes de nationalité étrangère ne sont pas surreprésentées dans les fonctions dirigeantes, même si leur effectif a progressivement augmenté», indique Patrick Leisibach, chercheur à Avenir Suisse et auteur d’une étude sur l’importance de l’immigration dans les emplois à haute valeur ajoutée.
Le chercheur recense plusieurs facteurs pour expliquer la présence importante d’étrangers aux postes de direction dans l’économie helvétique. La Suisse étant un petit pays, sa base démographique est trop limitée pour ré-pondre à la demande en personnel qualifié. En outre, le pays bénéficie d’une attractivité élevée liée à la qualité de vie, à la compétitivité des salaires et à la stabilité. Le multilinguisme facilite également l’intégration des profils qualifiés issus des pays voisins comme la France, l’Allemagne et l’Italie.
Selon Patrick Leisibach, la plupart des cadres étrangers ne sont pas recrutés directement à un poste à responsabilité. Beaucoup accomplissent une grande partie de leur carrière professionnelle en Suisse, avant de gravir les échelons de la hiérarchie. «Les données disponibles ne montrent par ailleurs aucun effet de substitution. Au contraire, l’ouverture internationale tend à renforcer les perspectives d’évolution pour les Suisses, notamment par le biais des promotions internes.»
La nationalité n’est pas un critère déterminant
Un constat partagé par Claire Brizzi, chasseuse de têtes chez Ganci Partners: «Dans un marché aussi tendu que le nôtre, avec un taux de chômage à 3%, il est souvent difficile de trouver les profils recherchés en Suisse. La demande est plus forte que l’offre.» La nationalité n’est pas considérée comme un critère pertinent pour évaluer un candidat. «Ce qui compte avant tout, ce sont les compétences. Certains profils sont des étrangers de deuxième génération, parfaitement intégrés, avec un fort accent vaudois. Qu’ils aient le passeport suisse ou non ne change rien.» Pour la spécialiste, l’ancrage local conserve cependant toute son importance dans les PME. «Le facteur culturel est clé. Il faut une connaissance du marché. Recruter un cadre sans aucun lien avec la Suisse, c’est prendre un risque.» Seules les grandes multinationales, tournées vers le marché international, engagent souvent des profils sans expérience suisse préalable.
Dans certains cas, l’expérience à l’international devient aussi un indicateur apprécié des PME. «Certains recruteurs cherchent des personnes capables de naviguer dans l’incertitude, précise Claire Brizzi. Celles qui ont déjà fait leurs preuves dans différents contextes sont perçues comme mieux armées.»
Phénomène ancien
Pedro Araujo, chercheur à l’Université de Lausanne et membre du collectif de recherche World Elite Database, ne s’étonne pas des chiffres du rapport Schilling. «La Suisse est une petite économie et ses grandes entreprises sont fortement tournées vers l’international. Roche et Novartis, par exemple, n’emploient respectivement que 14% et 10% de leurs effectifs sur le territoire national. Il n’est donc pas surprenant que les postes de direction soient majoritairement occupés par des étrangers.»
Il y a longtemps que les hauts rangs de l’économie suisse affichent une proportion relativement importante de profils internationaux. Le taux de dirigeants de nationalité étrangère atteignait déjà 11% en 1910 au sein des directions et conseils d’administration des 110 principales entreprises suisses. «L’économie suisse oscille, par phases, entre ouverture et repli. Entre la fin du XIXe siècle et la Première Guerre mondiale, dans le contexte de la première globalisation, de nombreux dirigeants venaient de l’étranger. Après 1918, la Suisse s’est refermée: l’heure était à la méfiance envers le monde extérieur. On parlait alors de «défense spirituelle». Une situation qui perdure jusqu’aux années 1980. Le pays entre dans la phase actuelle de libéralisation et de globalisation», explique le chercheur.
Moins d’apprentis et de gradés
L’accès des expatriés au sommet de l’économie suisse a également été facilité par le recul de certains codes typiquement helvétiques. Considéré jusqu’à la fin de la guerre froide comme un sésame pour obtenir un poste de cadre, le rang militaire n’est plus un facteur déterminant. «Les gradés étaient perçus comme des hommes sûrs, capables de défendre les intérêts suisses face aux influences extérieures. Mais cette logique n’a plus cours aujourd’hui.»
Côté formation, l’apprentissage a également perdu de son attrait. «La société suisse a longtemps valorisé le modèle dual université-apprentissage comme moyen d’accéder à l’élite économique. Au début du XXe siècle, près d’un tiers des cadres supérieurs étaient issus de la voie professionnelle. Mais ce n’est plus le cas, observe Pedro Araujo. Aujourd’hui, les dirigeants des grandes entreprises sont tous issus des bancs de l’université et des hautes écoles.» Une mutation qui reflète les transformations internes à la Suisse (les effectifs des étudiants en bachelor dans les hautes écoles suisses ont quadruplé entre 2000 et 2020, selon l’OFS), où les facteurs de réussite professionnelle se sont peu à peu alignés sur les standards internationaux. Cette internationalisation ouvre d’ailleurs aussi des portes aux Suisses, qui peuvent construire leur carrière en s’appuyant sur une expérience à l’étranger. «Il est désormais plus fréquent de partir se former ou de commencer sa carrière hors de Suisse, puis de revenir avec un «capital international», poursuit Pedro Araujo. C’est devenu une condition tacite d’ascension dans certaines entreprises.»
À savoir
Top 5 des firmes du SMI
Nestlé, Roche, Novartis, Zurich et Richemont: les cinq premières entreprises cotées au SMI sont administrées par des expatriés.
Profils locaux
Dans les PME, l’ancrage local conserve son importance: recruter un cadre sans aucun lien avec la Suisse est plus risqué.
Vieille tradition
En 1910, le taux de dirigeants de nationalité étrangère atteignait déjà 11% à la tête des 110 principales entreprises suisses.
Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans PME Magazine.
Elle met un coup de projecteur sur la culture helvétique
«Beaucoup d’internautes suisses me remercient de leur avoir fait découvrir un bout de leur pays qu’ils ignoraient.» Depuis son arrivée en Suisse, la vidéaste Yvette Tan, 28 ans, documente ses aventures pour ses dizaines de milliers d’abonnés issus du monde entier.
Son exploration du pays lui a réservé de belles surprises. «J’ai découvert la vie culturelle foisonnante qui se cache derrière ces paisibles paysages alpins.» La vidéaste a notamment emmené son public au festival international du cor des Alpes à Nendaz (VS), sur les traces d’Audrey Hepburn à Tolochenaz (VD) ou encore à la Fête fédérale des costumes à Zurich. «J’ai été happée par la dimension hors norme de cette fête pleine de fantaisie et de couleurs. C’est une chance d’avoir pu y assister cette année. La prochaine édition n’aura lieu que dans 12 ans!»
Après des études en optométrie (ndlr: les soins de la vue) et un premier emploi dans ce domaine, Yvette Tan s’intéresse au mouvement «FIRE» (acronyme anglais pour «Indépendance financière et retraite anticipée»). Cette communauté réunit des actifs qui visent à arrêter de travailler le plus tôt possible en réduisant leurs dépenses et en investissant leurs économies. «Dès que j’ai eu assez d’argent de côté, j’ai quitté mon activité professionnelle pour me dédier à mes projets personnels. Pour moi, prendre sa retraite n’implique pas de cesser toute activité, mais plutôt de se consacrer librement à ce que l’on aime faire.» Elle décide alors de partir découvrir le monde. Elle lance sa chaîne YouTube, dont les vidéos cumulent aujourd’hui plus de 6 millions de vues, un compte Instagram suivi par 86’000 abonnés et un canal TikTok qui réunit près de 36’000 personnes. Les contenus monétisés constituent pour elle une nouvelle source de revenus qui, en plus de quelques activités qu’elle affectionne, comme le pet-sitting, viennent compléter ses économies accumulées quand elle était salariée.
Mariée à un Suisse, la Singapourienne a déménagé à Genève en 2022 et souhaite aujourd’hui contribuer à renforcer les liens sociaux dans sa ville d’accueil. «Les Suisses sont sympathiques et chaleureux. Mais je constate encore un écart entre expatriés et locaux, dû notamment à la barrière de la langue.» Pour y remédier, elle organise désormais des rencontres, nommées «Sisterhood Abroad». «Les premières ont déjà eu lieu à Genève et à Zurich. D’autres suivront dans d’autres villes suisses.»
OÙ LA RENCONTRER:
Aux Bains des Pâquis:
«J’y vais pour me baigner ou tout simplement pour contempler la vue sur la rade et la vieille ville. C’est un endroit magnifique en toutes saisons.»
Au Parc des Bastions:
«Pour la fête de la musique, mais aussi pour m’y promener.»
Au Jardin Botanique:
«Pour ses magnifiques plantes et fleurs. C’est aussi l’endroit parfait pour pique-niquer.»
Une version de cet article réalisé par Large Network est parue dans la Tribune de Genève.