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On n’échappe plus à la simultanéité

Le philosophe allemand Karlheinz Geissler vient de publier un livre passionnant sur notre rapport au temps. «Tout à la fois, partout et tout de suite», tel est le slogan de l’homme postmoderne.

Il n’y a pas si longtemps, une conversation téléphonique se suffisait à elle-même: on parlait au bout du fil, et c’est tout.

Aujourd’hui, on poursuit les activités les plus diverses tout en téléphonant: on marche dans la rue, on tapote sur son ordinateur (en espérant ne pas être entendu par son interlocuteur), on vide son lave-vaisselle… Des cumuls qui restent moins risqués que le téléphone au volant: 3’000 blessés en Suisse en 2002.

L’actuelle tadalafil with dapoxetine online de l’Association Transport et Environnement (ATE) a pour slogan «Pour épargner la carrosserie, branchez la messagerie!». Une injonction que l’on s’est bien gardé de formuler sur le mode du renoncement: pas d’interdiction («ne téléphonez pas en conduisant») ni d’incitation à la déconnexion («débranchez votre portable quand vous conduisez»).

Par respect envers la psychologie de l’homme postmoderne, on a préféré conseiller un branchement, fut-ce à une boîte vocale

Même si Rolf Moning, porte-parole du Bureau suisse de prévention des accidents, est convaincu que «les humains ne sont pas faits pour exercer deux activités simultanément», de tout temps, ils l’ont fait. Des mères qui cuisinent en surveillant les devoirs de leurs enfants, des familles qui mangent en écoutant la radio… La concomitance d’occupations ne date pas d’aujourd’hui.

Ce qui est nouveau, c’est sa généralisation. Présentées comme des multiplicatrices d’opportunités, les nouvelles technologies rendent possible l’omniprésence de la simultanéité.

On gère son courriel en regardant la télévision qui propose à nos deux yeux de visionner jusqu’à huit rencontres de foot simultanément, on achète des actions dans la file d’attente du cinéma, on les revend lors du repas qui suit, on pédale dans la salle de gym en parcourant une revue de body building pendant que défilent sur un écran les images de l’ascension d’un col.

On ne vit plus le temps comme une succession d’instants se cumulant. L’appellation «homo simultans», découverte dans «Wart’ mal schnell. Minima Temporalia» (Hirzel Verlag), cerne avec beaucoup d’humour et de finesse cet homme nouveau dans lequel chacun se reconnaîtra à des degrés divers. Karlheinz Geissler en est l’auteur. Ce philosophe allemand a déjà publié plusieurs ouvrages relatifs au temps.

Dans «Wart’ mal schnell», il se souvient de son éducation, ponctuée d’injonctions du type: «arrête la radio lorsque tu fais tes devoirs», et «finis ce que tu as commencé avant de faire autre chose». Un langage que ne comprennent plus ses propres enfants. «Tout à la fois, partout et tout de suite», tel est, selon Geissler, le slogan culte de notre postmodernité.

«Chaque chose en son temps», «On ne peut être au four et au moulin»… Ces proverbes renvoient à un usage obsolète du temps.

L’électronique et le travail multitâche, en permettant d’accomplir de plus en plus d’activités simultanément, n’ont pas modifié la seule vie professionnelle. La vie privée, elle aussi, a subi un réaménagement du temps vers une plus grande «densification». Pour en prendre la mesure, tentez l’expérience suggérée dans le bouquin: vivre, ne serait-ce qu’une heure, sous l’«ancien régime» régit par «un temps pour chaque chose».

Vous n’y perdrez pas votre temps, c’est le cas de le dire. Prendre congé de la logique de mise en synchronie, de vitesse et de rentabilité procure à l’«homo simultans» stressé une sensation apaisante de réappropriation du temps. «L’avenir est à ceux qui sauront renoncer», estime Geissler dans une interview accordée à «Wirtschaft & Weiterbildung» (Heft 07/08, 2003).