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Le double langage de Strauss-Kahn

Les propos de DSK sur France 2 ont fait scandale en Roumanie. Mais les solutions roumaines sont pires encore que celle du FMI. Dans un cas comme dans l’autre, c’est la population qui trinque.

L’honorable président du Fonds monétaire international est donc entré en campagne électorale. Ou plus exactement en précampagne. Il n’y avait qu’à le voir la semaine dernière répondre avec gourmandise aux questions d’Arlette Chabot sur France 2 pour prendre la mesure de son ambition. Une ambition qui, soit dit en passant, peut sembler bien modeste par les temps qui courent. Présider la France? Quelle affaire! Martine Aubry a le bon format, pourquoi ne pas lui laisser la place. Et viser plus haut, l’Europe. Doté d’une vaste expérience internationale, paré de tous les attributs d’un homme de gauche cialis over counter spain, Dominique Strauss-Kahn pourrait faire merveille à la tête d’une Union européenne en manque de fortes et grosses têtes.

A petite ambition, petite campagne. L’homme, enjoué et matois, déploie sa séduction tel un paon sa queue. Tout sourire, il prend la posture du bon docteur intervenant sur demande au chevet du malade pour lui administrer la potion qu’une armée de spécialistes évidemment désintéressés lui a concoctée. En se gardant bien de préciser que la recette enrichira une foultitude d’aigrefins (les marchés) prêts à se lancer à la curée. Telle une nuée de vautours. Grecs, Espagnols, Portugais, attention, le président du FMI est en train de vous plumer pour essayer de choper le fauteuil de Sarkozy!

La prestation fut brillante, le discours presque convaincant. Puis au détour d’une comparaison mensongère, l’escroquerie politicienne prend le dessus. Comparer le bon élève grec du FMI qui réduit certes de 5% les salaires de la fonction publique, mais augmente aussi certaines taxes, à la Roumanie, tête brûlée, qui tient à ne frapper que les salaires des employés de l’Etat (moins 25% pour tous) et les retraites (moins 15%) sans toucher à l’impôt, permettait à DSK de se donner le beau rôle: entre gens civilisés on peut toujours s’entendre, quant aux autres qu’ils se débrouillent, on n’y peut rien!

Sauf que le lendemain, à Bucarest, le délégué du FMI chargé du dossier roumain devait démentir son patron. Les propositions du FMI rejetées par le gouvernement roumain n’étaient pas si simples: il proposait, lui aussi, une très forte réduction des salaires (de 15 à 20%), additionnée de licenciements massifs et d’une augmentation des impôts sur les grosses fortunes. Le 25 mai, le président Băsescu annonçait à la télévision qu’il était prêt à écrire personnellement à DSK pour déplorer son attitude. «Prêt» seulement, car Băsescu s’y connaît autant, sinon plus, que DSK en campagnes électorales mensongères.

Vu de Bucarest, l’incident révèle une fois de plus que la mauvaise réputation du FMI n’est que trop méritée. Alors que la structure internationale de cette institution lui donne la hauteur suffisante pour jauger la bonne ou mauvaise gestion d’une économie, il se contente de laisser faire les agences de notations, donnant champ libre aux spéculateurs pour intervenir ensuite par une sorte de sauve-qui-peut financier alourdissant encore la détresse de la victime. C’est l’exemple grec.

En Roumanie, son rôle est encore plus cynique dans la mesure où il a connaissance d’une donnée de fait qui, économiquement, est une variable incontrôlable: le mépris de la classe politique envers la gestion économique, son seul intérêt réel portant sur un enrichissement personnel immédiat. C’est ainsi que, menacé d’être en cessation de paiement à l’automne, le gouvernement, plutôt que toucher au standing de l’Etat, va baisser les salaires de 25 % et les retraites de 15% en fixant des minima à 600 lei pour les salaires et à 350 pour les retraites. Soit, au cours du 27 mai, les sommes respectives de 204 et 119 francs suisses! Mais personne ne se demande comment les gens vont se débrouiller.

Ces mesures vont entrer en vigueur dans un pays où les circuits traditionnels du petit commerce viennent d’être brisés au profit des grands monopoles internationaux de distribution: Carrefour, Auchan, Metro, Real, etc. Dans un pays où la grande majorité des salaires de la fonction publique n’atteint pas les 1000 lei (340 francs suisses). Pris à contre-pied, les syndicats appellent à la grève générale pour le 31 mai, sans grand espoir d’être entendus.

Le cynisme des nantis est tel qu’un pétrolier richissime (il pèse 2 à 3 milliards d’euros) s’est même permis d’ironiser en avançant sa propre solution pour sortir le pays de la crise: le gouvernement, dit-il, devrait décréter une amnistie fiscale pour rapatrier les 18 milliards d’euros que de fort mauvais contribuables roumains ont planqué dans les banques suisses. Voilà qui est plus direct que la potion du bon docteur Strauss-Kahn. Ce dernier ne ferait-il pas mieux d’empoigner ce dossier-là?