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Une clinique en un clic

Au même titre que les comparateurs d’hôtels, la plateforme Medigo connecte patients et hôpitaux à travers le monde. Avec le même succès?

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Choisir une intervention médicale au meilleur prix comme on choisirait une chambre d’hôtel, c’est le défi que s’est lancé Medigo.com, une start-up berlinoise fondée en 2014. La plateforme donne ainsi accès à 800 cliniques dans 35 pays. L’internaute n’a plus qu’à sélectionner l’intervention qu’il désire parmi les 900 procédures médicales disponibles. Une dialyse rénale à Majorque? 373 francs. Une rhinoplastie à Istanbul? 2’332 francs. Sur chaque page, les photos de l’établissement et du personnel médical sont censées permettre aux internautes de se familiariser avec chaque hôpital.

Medigo comptabilise 250’000 visites par mois, toutes langues confondues. La plateforme ne souhaite toutefois pas dévoiler le nombre de patients qui ont déjà réservé un traitement par son intermédiaire. En Suisse, dix centres médicaux sont partenaires de la plateforme. Parmi eux, les cliniques Bois-Cerf et Cecil de Lausanne. Contacté directement par Medigo, le groupe privé zurichois Hirslanden, à qui appartiennent les deux cliniques, tire un bilan nuancé de cette collaboration. «Nous avons accueilli un certain nombre de patients venus de l’étranger, mais l’impact de Medigo est difficilement quantifiable. La majorité des cas traités au sein de nos cliniques proviennent encore du réseau de nos médecins», précise Claude Kaufmann, responsable communication.

Vers la libéralisation

Comment comprendre l’émergence d’une plateforme telle que Medigo? «Avec Internet, les frontières n’existent plus et cela vaut aussi dans le domaine de la santé, explique Karim Boubaker, médecin cantonal vaudois. En Suisse, la tendance au tourisme médical demeure toutefois marginale. Je n’ai connu que quelques cas concernant des soins dentaires ou de la chirurgie esthétique. La plupart du temps les patients s’étaient rendus à l’étranger pour des raisons économiques.»

Il faut dire que les primes d’assurance maladie n’ont cessé d’augmenter depuis l’instauration de l’assurance obligatoire, la LAMal, en 1996 (lire l’encadré ci-dessous). D’ailleurs, pour les assurances maladie, rembourser des interventions promulguées à l’étranger permet des économies non négligeables. Jusqu’ici, le principe de territorialité de la LAMal ne permettait pas aux assurances de rembourser les prestations médicales administrées hors du territoire suisse — sauf en cas d’urgence. En 2016, le Parlement fédéral a fait un pas en direction des assureurs en adaptant, en partie, la LAMal. Désormais, l’assurance de base rembourse certains traitements médicaux fournis à l’étranger en zone frontalière. «Si le patient désire se faire soigner à l’étranger et que la qualité des soins est garantie, je ne vois pas le problème, remarque Karim Boubaker. Je m’inquiéterai le jour où un assureur obligera les patients à aller recevoir des traitements à l’étranger pour économiser, mais nous n’en sommes pas encore là.»

Question de confiance

La médecine n’est pas qu’une question de coût, rappelle Claudine Burton-Jeangros, spécialiste en sociologie de la santé et de la médecine de l’Université de Genève. «La santé n’est pas un simple bien de consommation, contrairement aux établissements hôteliers. Jusqu’à aujourd’hui, le besoin d’être en contact intime avec son médecin perdure.»

Dans le secteur du tourisme médical, ce besoin de confiance doit donc être pris en considération. En témoigne Ivan de Weber, cofondateur de SwissMedFlight, une agence de tourisme médical basée entre Genève et Budapest: «Les personnes qui souhaitent tenter l’expérience d’un soin ou d’une intervention à l’étranger ont besoin de quelqu’un qui les aide dans leurs démarches.» Son entreprise ne propose que des établissements dans la capitale hongroise. «Cela nous permet de connaître personnellement chaque médecin avec qui nous collaborons et de miser sur un véritable rapport de confiance.»

Médecine 2.0

Ce n’est pas le cas de la plateforme Medigo. «Nous sélectionnons les cliniques et hôpitaux selon une liste de critères internes allant des certifications ISO à la réputation par les pairs», explique Ugur Samut, CEO et cofondateur. Par ailleurs, pour toute demande de traitement, le patient doit remplir un questionnaire sur son état de santé. Son dossier médical est ensuite transmis à la «Care Team» de Medigo. Composée d’une dizaine de personnes (dont un médecin), elle assiste les internautes 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, par e-mail ou téléphone. Lorsqu’elle s’est assurée que les informations médicales transmises par le patient sont complètes, elle le met en relation avec la clinique.

Ces précautions suffisent-elles à garantir un soin de qualité? Pour Stéphane Koch, conseiller indépendant en stratégie digitale à Genève, des options supplémentaires amélioreraient le sentiment de fiabilité de Medigo. «Il faut davantage de statistiques, dévoiler le nombre de recommandations. Les clients devraient être obligés de noter la clinique et le médecin après chaque intervention afin de mettre en place une représentation plus pointue.»

A ceci s’ajoute un déficit de fiabilité quant au suivi post-opératoire. Si Medigo dit prendre contact avec les patients après leur intervention, Ivan de Weber met en garde: «C’est l’aspect le plus complexe lors d’un soin à l’étranger. Parfois les patients n’osent pas recontacter leur médecin après avoir été traité ailleurs.» Et Karim Boubaker de souligner: «Lorsque des patients ont des complications par la suite, c’est le système de santé suisse qui paie.» Si la médecine a un coût, la santé, elle, n’a pas de prix.
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ENCADRES

Un secteur en plein essor

Se faire soigner à l’étranger pour accéder à des soins non proposés ou trop onéreux dans son pays: le tourisme médical séduit de plus en plus de consommateurs à travers le monde. Le secteur pèse déjà plusieurs milliards de dollars, et devrait augmenter de 25% par an sur la prochaine décennie, selon une étude de 2016 de Visa et Oxford Economics.
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Des tarifs toujours plus élevés

Les coûts de la santé ne cessent d’augmenter en Suisse. De 26 millions en 1990, le prix du système de santé s’élevait à 71 millions en 2014, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS). Parallèlement, les primes d’assurance maladie ont augmenté depuis l’instauration de l’assurance maladie obligatoire, la LAMal, en 1996. A titre d’exemple, avec la franchise la plus basse, un adulte vaudois payait au minimum par mois 355 francs en 2006. Pour les mêmes prestations, il aura déboursé 420 francs en 2016 d’après les chiffres de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Une augmentation due aux progrès techniques et au vieillissement de la population, selon l’OFSP.

Collaboration: Hannah Schlaepfer
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Une version de cet article est parue dans In Vivo magazine (no 11).

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